«Jusqu’à présent, Ron DeSantis montre aux républicains qu’il réussit»

Le faux suspense va prendre fin ce mercredi à 18h (minuit en Suisse). Le gouverneur de Floride Ron DeSantis annoncera alors qu’il se lance dans la course pour la présidentielle 2024. Pour se déclarer, il a choisi Twitter et interviendra aux côtés de son patron, Elon Musk, qui voit ainsi l’opportunité de faire du réseau social un acteur majeur de la prochaine campagne. Depuis qu’il a été élu gouverneur de la Floride en 2018, Ron DeSantis est devenu une menace pour Donald Trump et sa mainmise sur le Parti républicain. Maîtresse de conférences en sciences politiques à l’Université de Floride, Aida A. Hozic retrace l’ascension du politicien.

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Le Temps: Est-ce que Ron DeSantis a changé depuis qu’il a été élu à la tête de la Floride?
Aida A. Hozic: Le gouverneur DeSantis a eu des débuts prometteurs. Comme il avait gagné avec une marge très étroite, il s’est comporté en rassembleur, ce qui n’est pas habituel pour les politiciens américains. Il a essayé de satisfaire même les circonscriptions qui avaient le plus de chances de voter contre lui. Il a tendu la main aux écologistes, aux enseignants ou aux fonctionnaires. Son discours était beaucoup plus conciliant que pendant la campagne, lorsqu’il avait construit un mur de jouets avec ses enfants. C’était un clin d’œil à son mentor, Donald Trump.

Il a même fait preuve de bon sens lors de la première phase de la pandémie. Même si, dans ses discours, il récitait le même refrain que le président Trump, il a donné beaucoup d’autorité aux gouvernements locaux pour qu’ils puissent prendre les mesures qu’ils jugeaient nécessaires. Bien sûr, les médias libéraux ont été horrifiés par les vacanciers qui s’agglutinaient sur les plages de Floride pendant les vacances de printemps en 2020, au mépris des précautions sanitaires. Mais les universités de Floride ont été fermées plus tôt que beaucoup d’autres dans le nord-est des Etats-Unis. Ron DeSantis a également protégé les personnes âgées, les maisons de retraite et le personnel hospitalier. La première année de la pandémie a donc été bien mieux gérée en Floride que ce que l’on pouvait craindre.

Ce n’est aujourd’hui plus le même politicien. Quand a-t-il opéré un tournant?
En 2021, Ron DeSantis a vu une ouverture pour devenir candidat à la présidence des Etats-Unis. C’était avant sa réélection à la tête de la Floride. Il est alors devenu anti-vaccin, il a poussé pour l’ouverture des écoles, il a pris position contre les masques, il a entamé une guerre publique contre les scientifiques et les médecins au sujet du covid, il a puni les lanceurs d’alerte… Il a probablement changé quand la chaîne conservatrice Fox News a pensé avoir trouvé le successeur de Donald Trump.

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Pensez-vous qu’il puisse gagner les primaires républicaines face à Donald Trump?
Ce ne sera pas facile. La Floride a une démographie très particulière. Les intérêts commerciaux sont de plus en plus concentrés dans quelques secteurs, l’immobilier ou les capitaux spéculatifs venant de l’étranger. De plus, le Parti démocrate local est en lambeaux et l’opposition est désorganisée. La question se pose de savoir si les messages qui fonctionnent ici marcheraient aussi bien au niveau national.

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Sur de nombreux sujets (contre l’avortement, dans sa lutte contre Disney, en censurant des programmes scolaires, etc.) il semble désormais plus à droite que son rival Donald Trump? Pourquoi pense-t-il que cela pourrait être une stratégie gagnante?
Parce que Fox News l’aime bien. Je ne sais pas si Ron DeSantis fait de lui-même les grands titres ou s’il est propulsé vers la célébrité. Mais il n’a pas le charisme de Trump. Il n’est pas naturellement un amuseur public et il ne comprend pas comment fonctionne l’audimat. Mais les médias de droite craignent que Trump ne soit pas fiable. Jusqu’à présent, Ron DeSantis, lui, est à la hauteur: il montre qu’il réussit. Et les républicains sont désespérément en quête de succès.