Etats-Unis
Les élections de mardi dernier ont témoigné d’un alignement des sénatoriales sur les présidentielles. Mais d’intéressantes perspectives s’ouvrent aux démocrates dans le sud et dans les plaines

Il y a dix-huit ans, l’élection ayant opposé George W. Bush et Al Gore a établi une nouvelle carte politique des Etats-Unis: aux démocrates le nord-est métropolitain, le Midwest industriel et ouvrier autour de Chicago, et la côte Ouest ouverte à toutes les nouveautés; aux républicains le sud conservateur et les régions rurales du centre du pays. Au niveau local, les villes votent démocrate, les campagnes républicain. Et aux deux échelles, des battlegrounds: le Midwest et la Floride au plan régional, les suburbs au niveau local.
Depuis, les démocrates ont réussi à s’attacher trois Etats des Rocheuses (Colorado, Nouveau-Mexique et Nevada); à l’autre bout du pays, la Virginie a glissé de solidement républicaine à nettement démocrate. Dans le Midwest, c’est l’inverse: le Missouri, le Tennessee, le Kentucky, l’Indiana semblent désormais devenus fidèlement républicains, et l’Ohio semble suivre, accompagné peut-être de la Pennsylvanie et du Michigan.
C’est à cette aune qu’il faut considérer les élections des «midterms» – quels glissements, quels changements et quelle signification pour les années à venir?
Le premier enseignement provient du Sénat, et montre une tendance à l’alignement des élections sénatoriales sur les élections présidentielles. Des six Etats qui ont basculé mardi passé, cinq se sont alignés sur leur vote de 2016: ainsi, le Nevada vire démocrate, alors que le Dakota du Nord, l’Indiana, le Missouri et la Floride élisent républicain – seul l’Arizona, d’un rien, semble devoir élire une démocrate alors qu’il avait élu Donald Trump en 2016. L’élection au Sénat réservant une forte prime au sortant, quelques démocrates ont résisté dans des Etats républicains en 2016, notamment dans le Midwest où seul l’Indiana a basculé.
Si les républicains sortent vainqueurs au Sénat, la carte obtenue reste nettement plus favorable aux démocrates que la carte présidentielle, avec des sénateurs démocrates réélus dans des Etats aussi républicains que le Montana ou la Virginie-Occidentale, ainsi que dans plusieurs Etats du Midwest (Pennsylvanie, Ohio, Michigan, Wisconsin); à l’inverse, les républicains ne parviennent nulle part à se faire élire dans les Etats démocrates de 2016.
Basculement à la Chambre des représentants
Les démocrates ont en parallèle repris le contrôle de la Chambre des représentants. Le Parti démocrate y a fait basculer 38 sièges, alors que les républicains ne parviennent au résultat inverse que dans trois cas. En termes géographiques, comme prévu, les villes votent très majoritairement démocrate, les campagnes sont très majoritairement républicaines, et la bataille se joue dans les suburbs, ces interminables banlieues américaines. Et c’est bien là que les démocrates ont poussé leur avantage mardi passé, en particulier dans la grande région métropolitaine qui relie Washington et New York, où 14 sièges basculent en leur faveur.
Dans cette région, les démocrates ont solidifié leur emprise à New York et dans le New Jersey, fait basculer la Virginie et repris pied en Pennsylvanie. Ce dernier Etat est particulièrement important pour les démocrates – ils l’avaient perdu en 2016. Le résultat des démocrates est nettement plus mitigé dans le Midwest – ils n’y progressent que de huit sièges, mais en perdent deux autres, et ne parviennent à faire basculer qu’un seul Etat, l’Iowa. Dans cette région prise aux démocrates en 2016, la situation reste assez favorable aux républicains.
Les nouveaux horizons du Parti démocrate
C’est ailleurs que des perspectives semblent s’ouvrir aux démocrates. Dans le sud et les plaines, le parti ressuscite au Kansas et en Oklahoma, progresse au Texas (dans les banlieues de Houston et de Dallas), en Floride (dans celle de Miami) et en Géorgie (dans celle d’Atlanta), reprend un siège même en Caroline du Sud. Et il poursuit sa progression dans le Far West en y reprenant quatre sièges – faisant basculer le Colorado et l’Arizona, reprenant Salt Lake City aux républicains. C’est autant que sur l’ensemble de la côte Ouest – où il est vrai que la marge de progression des démocrates est minime, tant ils y dominent déjà.
C’est certainement dans cette grande région de l’ouest et du sud que les potentiels futurs sont les plus évidents. Pour en revenir au Sénat, Beto O’Rourke est passé à moins de 3 points de faire basculer le Texas – Ted Cruz, son opposant républicain, avait remporté l’élection précédente avec 16 points d’avance. Or, le Texas est un géant démographique et économique, peut-être en passe de devenir la prochaine Floride: un grand Etat situé au point de bascule.