Une guerre sans pitié. Quand la pénurie de masques menace, les Etats-Unis seraient prêts à tout. Même à détourner des commandes dans des aéroports chinois, en rachetant des cargaisons à des prix parfois quatre fois supérieurs, à coups de cash. Ce sont du moins les accusations faites par plusieurs pays. La France, l’Allemagne et le Canada font partie de ceux qui ont haussé le ton.

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«Il faut vraiment se battre»

Plusieurs présidents de régions françaises accusent les Américains de donner dans la surenchère. «Sur le tarmac, les Américains sortent le cash et payent trois ou quatre fois les commandes que nous avons faites, donc il faut vraiment se battre», a par exemple souligné, sur RTL, Jean Rottner, président de la Région Grand Est. Mais il a aussitôt dû démentir une rumeur qui s’est très vite emballée: non, les Américains n’ont pas «volé» ni «détourné» sa commande, même si cela s’est vérifié pour une autre région. «J’ai simplement dit que c’était la pratique qui se développait, mais nos masques sont bien arrivés!» relève-t-il sur Twitter. Le ministre de l’Intérieur de Berlin, Andreas Geisel, par contre, accuse les Etats-Unis d'«acte de piraterie moderne». Il affirme que les Américains ont détourné, à Bangkok, un stock de 200 000 masques destinés à la police de Berlin.

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La société américaine 3M, qui produit ses masques en Chine, est montrée du doigt. Mais là aussi, une certaine confusion règne. Lundi, un porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis en Allemagne a assuré à l’AFP que le gouvernement américain «n’a pris aucune mesure pour détourner les fournitures de masques 3M destinées à l’Allemagne» et «n’avait pas connaissance d’une telle cargaison». Il dénonce une campagne de désinformation.

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C’est en fait le «Defense Production Act», désormais brandi par Donald Trump, qui vient compliquer la situation. Cette loi d’exception, qui date de la guerre de Corée, permet au président américain de contraindre le secteur industriel à produire du matériel médical. Et aussi à forcer les entreprises américaines à ne plus en vendre à l’étranger. Jeudi, Donald Trump a directement visé 3M dans un tweet, pour «ce qu’ils font avec leurs masques». Le PDG, Mike Roman, a réagi le lendemain sur CNN: «L’idée que 3M ne fait pas tout son possible pour lutter contre les hausses de prix et la revente non autorisée est absurde. Dire que nous ne mettons pas tout en œuvre pour maximiser la livraison de masques dans notre pays d’origine ne pourrait pas être plus éloigné de la vérité.» Et d’ajouter que 3M doublera sa production aux Etats-Unis.

En Ukraine, ce type d’accusations vise les Américains, mais également les Russes et les Français. Sur Facebook, le député Andriï Motovylovets raconte: «Nos consuls qui se rendent dans des usines chinoises y rencontrent leurs confrères d’autres pays (Russie, Etats-Unis, France) qui veulent récupérer nos commandes. Nous avons payé nos commandes préalablement par virement et avons des contrats signés. Eux, ils ont davantage d’argent, et des espèces. Nous nous battons pour chaque cargaison.» Radio Canada, de son côté, a évoqué une cargaison de masques chinois arrivée moins fournie que prévu au Québec, à cause de l’appétit américain. Désormais, c’est bien le gel total de l’exportation de masques américains 3M qui inquiète le Canada.


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