La migration, un cadeau politique pour Trump
Midterms
A quelques jours des élections de mi-mandat, le président américain profite des tensions à la frontière mexicaine pour galvaniser ses troupes

La caravane de migrants d’Amérique centrale qui se dirige ces jours vers la frontière sud des Etats-Unis est une aubaine pour Donald Trump. Un cadeau politique. L’occasion rêvée pour lui, à quelques jours des Midterms, de galvaniser ses troupes en se répandant en propos nationalistes et xénophobes.
Un sujet brûlant
Souvenez-vous: les étrangers ont été les boucs émissaires de sa campagne pour l’élection présidentielle en 2016. Donald Trump a attaqué les Mexicains, qualifiés de «violeurs», il a promis de construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique pour empêcher les «violents gangs» d'«envahir» les Etats-Unis.
Il s’en était pris aux clandestins, accusés de voler les emplois des Américains, et a stigmatisé les musulmans, allant jusqu’à leur brandir la menace d’une interdiction du territoire américain. Une de ses premières actions comme président a été de prononcer un décret rebaptisé «Muslim ban», très vite contesté devant les tribunaux.
Ces jours, les près de 7000 réfugiés, des Honduriens essentiellement, qui se dirigent vers les Etats-Unis, ont ravivé ces réflexes et sa rhétorique de haine. Le sujet reste brûlant. Donald Trump a mentionné, lors d’un meeting au Texas pour soutenir Ted Cruz, la présence de «mauvaises personnes» et d'«inconnus du Moyen-Orient» se cachant dans le cortège. Sans craindre les amalgames, il insinue que des terroristes pourraient entrer par ce biais aux Etats-Unis. Et alimente des thèses complotistes.
«Défier la souveraineté des Etats-Unis»
Il agite le spectre de la peur, en fait son fonds de commerce. Donald Trump a menacé le Honduras, le Salvador et le Guatemala, trois pays gangrenés par le crime organisé, de les priver d’aide financière s’ils ne retenaient pas leurs ressortissants. Il a parlé d'«assaut» contre les Etats-Unis. Le vice-président, Mike Pence, lui a emboîté le pas, suggérant que des organisations honduriennes «de gauche», «financées par le Venezuela», étaient derrière cette caravane, pour «défier la souveraineté des Etats-Unis». Quelques jours plus tôt, Donald Trump avait carrément menacé de fermer la frontière, invoquant une «urgence nationale».
Notre grand format: Au pied du mur
Dans les faits, ces clandestins, qui se trouvent désormais dans le sud du Mexique, fuient la misère et les gangs, et deviennent parfois la cible des cartels mexicains en route. Parmi eux, se trouvent probablement aussi d’ex-membres de gangs qui craignent des actes de vengeance.
Donald Trump, lui, a justement une obsession: le gang salvadorien ultra-violent MS-13, dont le slogan est «Mata, viola, controla» (tue, viole, contrôle). Il laisse entendre que la caravane est infestée de ses membres. Il oublie une chose: né dans les années 80, avec, au départ, pour but de protéger les immigrés du Salvador de bandes rivales à Los Angeles, le gang a désormais toujours plus de membres américains.
En mars 2018 déjà, un groupe de près de 1500 migrants partis du sud du Mexique avait provoqué l’ire du président américain. Au final, ils n’étaient que 200 environ à entrer aux Etats-Unis et à déposer une demande d’asile.
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La séparation des familles a soulevé une vive polémique
En campagne pour soutenir des candidats républicains, le président des Etats-Unis accuse les démocrates «d’encourager des millions d’étrangers illégaux à enfreindre nos lois, violer nos frontières et submerger notre pays». Il cherche de fait aussi à éteindre la polémique qu’il a lui-même allumée cet été.
Donald Trump prône la tolérance zéro vis-à-vis des clandestins et leur expulsion, et s’est attaqué à l’héritage Obama qui accordait une protection à certains illégaux arrivés mineurs aux Etats-Unis. Mais sa politique de séparation des familles à la frontière a récemment provoqué l’indignation jusque dans les rangs républicains. Des enfants se sont retrouvés placés dans des foyers à des milliers de kilomètres de leurs parents détenus à la frontière ou expulsés vers leur pays d’origine. Et sans moyen de les retrouver.
Démocrates empruntés
Aujourd’hui, Donald Trump a retrouvé ses deux sports favoris: faire diversion et blâmer les démocrates. Dans le camp adverse, la réponse reste creuse et faible. Face à la caravane de migrants, les démocrates, empruntés, se montrent hésitants sur la stratégie à adopter. Le président marque des points et électrise sa base électorale. Dans le Washington Post, Barry Bennett, qui a été un de ses conseillers de campagne, le relève avec cynisme. «Dommage que les migrants ne transportent pas en plus de l’héroïne», ose-t-il déclarer. Il en est certain: l’effet mobilisateur serait encore plus fort.