Certaines déclarations vous collent à la peau. En 2002, Mike Pence a confié à un journaliste de The Hill qu’il ne mangeait jamais seul avec une femme et qu’il n’assistait pas à des événements où de l’alcool était servi sauf si son épouse était présente. Pour ne pas succomber à d’éventuelles tentations. C’est ce que recommande le prédicateur évangélique Billy Graham. Cet homme-là doit désormais se tenir prêt à remplacer Donald Trump si nécessaire, ne serait-ce que si le président était en incapacité de gouverner pendant quelques jours à cause du coronavirus.

Elevé dans une famille catholique pro-démocrate aux origines irlandaises et allemandes, Mike Pence s’est tourné vers l’évangélisme à l’âge adulte et est devenu en quelque sorte la caution religieuse de Donald Trump. Ultra-conservateur, il incarne cet électorat évangélique blanc qui a contribué à sa victoire. Souvent dépeint comme un idéologue doctrinaire, le vice-président se définit lui-même comme «un chrétien, un conservateur et un républicain», «dans cet ordre». Anti-avortement, anti-mariage gay, Mike Pence a décrit l’homosexualité comme un «effondrement sociétal» et défend une vision archaïque du rôle de la femme. Difficile de faire plus contrasté avec Kamala Harris, la colistière du candidat démocrate Joe Biden, avec laquelle il débattra le 7 octobre.

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Pas de seringues

Mike Pence est né à Columbus, dans l’Indiana, en juin 1959. Après des études d’histoire et de droit, il exerce comme avocat. En 1985, il épouse Karen Sue Batten, déjà mariée une première fois. Ils auront trois enfants. Inspiré par Ronald Reagan, il se tourne vers le parti républicain, devient proche du Tea Party et anime des émissions politiques à la radio, puis à la télévision, entre 1994 et 1999. A l’assaut du Congrès deux fois sans succès, Mike Pence accède finalement à la Chambre des représentants en 2001 et y siège jusqu’à son élection comme gouverneur de l’Indiana en 2013.

Il est à l’origine d’une des lois anti-avortement les plus restrictives du pays, qui interdit même les IVG sur les fœtus souffrant de malformation. Comme gouverneur, il a également validé une loi autorisant les entreprises à refuser de fournir des services dans le cadre de mariages homosexuels. Il s’est aussi opposé à un programme d’échange de seringues pour diminuer les risques de transmission du VIH parmi les toxicomanes. Une explosion de cas dans plusieurs comtés l’a contraint à faire marche arrière.

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Avec ses airs sages et policés, sa raie de côté parfaitement peignée et son petit sourire en coin, Mike Pence tranche avec l’exubérance de Donald Trump. Mike Pence, c’est, sur la forme, un peu l’adoucissant de la lessive Trump. Il ne l’a d’ailleurs pas toujours appuyé. Pendant la campagne présidentielle de 2016, Mike Pence avait par exemple qualifié l’idée d’interdire l’entrée de musulmans sur sol américain d’«insultante et inconstitutionnelle». Il a aussi condamné les propos sexistes et lubriques de Donald Trump émanant d’un enregistrement révélé par le Washington Post («Quand vous êtes une star, vous pouvez faire ce que vous voulez avec les femmes, même les attraper par la chatte»). Dans son livre Fear (2018), le journaliste Bob Woodward révèle à ce propos qu’en plein scandale, en octobre 2016, le président du Comité national républicain avait suggéré à Donald Trump d’abandonner la course et de céder sa place à Mike Pence, qui aurait pris Condoleezza Rice comme colistière.

Il y a quatre ans, Mike Pence avait par ailleurs d’abord soutenu la candidature du sénateur texan Ted Cruz pour l’investiture républicaine, avant de se ranger derrière le New-Yorkais. Autre divergence de taille: Donald Trump a condamné la guerre en Irak, Mike Pence l’a soutenue.

Chasse à la taupe

Discret, loyal, le vice-président n’a rien de flamboyant. C’est l’un des personnages de l’entourage du président les plus énigmatiques et difficiles à cerner. Dans l’ombre de Donald Trump, peu visible – qui se souvient qu’il dirige la cellule de crise covid? –, il reste néanmoins ambitieux. La présidence l’intéresserait, dit-on. En 2016, il avait d’ailleurs songé à se lancer lui-même dans la course à la Maison-Blanche. Le Washington Post l’a surnommé «Monsieur Propre» et CNN «l’excuseur en chef», une bonne partie de son emploi du temps étant consacré à tenter d’atténuer les bourdes de Donald Trump. Pour les journalistes Michael D’Antonio et Peter Eisner, qui ont brossé son portrait dans The Shadow President publié en août 2018, les qualificatifs sont moins aimables: le «suprémaciste chrétien» serait «opportuniste», un «sinistre fanatique» qui rêve de pouvoir.


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D’ailleurs, Donald Trump s’en est parfois un peu méfié. L’étau s’était notamment resserré autour de Mike Pence quand une tribune anonyme assassine envers le président et son fonctionnement a été publiée, le 5 septembre 2018, dans le New York Times, émanant d’un «haut cadre de l’administration Trump». A cause d’un seul mot: lodestar («étoile du berger»), pour qualifier le sénateur républicain John McCain. Ce terme un peu vieillot n’est pas courant, mais Mike Pence l’a déjà utilisé. Son porte-parole a dû opposer un démenti officiel pour calmer les esprits.

Mike Pence a notamment joué un rôle central dans l’«affaire ukrainienne», à l’origine de la procédure de destitution lancée contre Donald Trump. Il a lui-même eu des contacts directs, en personne et par téléphone, avec le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, sur lequel Donald Trump aurait fait pression pour qu’il ouvre une enquête contre le fils du démocrate Joe Biden, impliqué dans une entreprise gazière ukrainienne soupçonnée de corruption. Mike Pence a toujours dit ne pas avoir mentionné Biden lors des entretiens.

«Sycophante en chef»

Donald Trump n’a pas hésité, à plusieurs reprises, à contredire son vice-président en public, par exemple à propos du financement du mur qu’il espérait ériger en majesté à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Mike Pence ferait-il le poing dans la poche en attendant des jours meilleurs? Professeur de droit à l’Université de Saint-Louis dans le Missouri, Joel Goldstein, spécialiste de la fonction de vice-président, parle de lui comme d’un «sycophante en chef», lui trouvant un côté flagorneur, servile et fourbe. Car comment cet ancien servant de messe peut-il, autrement que par opportunisme, travailler pour un homme dont les valeurs sont aux antipodes des siennes, qui dépasse les frontières de la décence et aurait cherché à acheter le silence d’une actrice porno, Stormy Daniels, pour taire une liaison extraconjugale?

Marlon Bundo a probablement un autre avis. C’est le lapin de la famille Pence. Le «Botus» (pour Bunny of the United States) est le héros d’un livre pour enfants, A Day in the Life of The Vice President (2018), écrit par Charlotte Pence, une des filles. L’illustratrice n’est autre que Karen Pence. La silencieuse mais omniprésente Karen Pence, dont on dit qu’elle exerce une grande influence sur son mari, toujours là, surtout lors d’événements où l’alcool n’est pas interdit. Du temps où son époux était élu au Congrès, puis gouverneur, elle s’assurait que le téléphone rouge qu’elle lui avait offert à Noël ornait toujours son bureau. Elle était la seule à en connaître le numéro.


Bio express

7 juin 1959 Naissance à Columbus (Indiana).

2001-2013 Siège à la Chambre des représentants.

2013 Devient le 50e gouverneur de l’Indiana.

15 juillet 2016 Est choisi par Donald Trump comme colistier.

8 novembre 2016 Est élu à la vice-présidence.

20 janvier 2017 Devient officiellement vice-président. Selon la Constitution, il endosse également le rôle de président du Sénat.