Le mystère reste entier. Le renseignement américain a estimé, mercredi, «très improbable» qu’une puissance étrangère ou une arme soit à l’origine du mystérieux «syndrome de La Havane», ce trouble inexpliqué qui a affecté des dizaines de diplomates ou employés américains d’ambassades.

«Sur la base d’un effort collectif impliquant les agences du renseignement (…), je peux partager avec vous que la plupart d’entre elles ont conclu à présent qu’il est très improbable qu’une entité étrangère soit responsable» de ces troubles, a déclaré la Directrice nationale du renseignement, Avril Haines, dans un communiqué, tout en précisant que les agences avaient divers niveaux de «confiance» dans leur évaluation.

Le renseignement américain estime encore que les symptômes observés par ces employés étaient «probablement dus à des facteurs n’impliquant pas une entité étrangère comme des conditions préexistantes, des maladies conventionnelles ou des facteurs environnementaux», selon le communiqué.

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Des symptômes inexpliqués

Avril Haines, ainsi que le directeur de la CIA William Burns et d’autres responsables américains se sont empressés de dire que ces conclusions ne remettaient pas en cause ni ne minimisaient «en rien» les troubles réels rapportés par les personnes affectées. Ces troubles de santé (migraines, vertiges, nausées, troubles de la vision…) ont d’abord frappé des diplomates américains et canadiens en poste à Cuba en 2016, d’où son nom de «syndrome de La Havane».

Ces «incidents anormaux de santé», selon la terminologie employée aux Etats-Unis, ont ensuite été signalés ailleurs dans le monde (Chine, Allemagne, Australie, Russie, Autriche) et même à Washington. Le syndrome de La Havane reste à ce jour inexpliqué par les scientifiques qui ont multiplié les hypothèses.

Selon un rapport, dont l’existence a été révélée mercredi par le Washington Post, sept agences de renseignement ont examiné au cours de ces dernières années environ 1000 cas «d’incidents anormaux de santé» et cinq d’entre elles en ont conclu qu’il était «très improbable» que ces troubles aient été provoqués par une attaque délibérée. L’une des agences juge cette hypothèse comme «improbable» seulement, tandis qu’une autre s’abstient de conclusion, selon le rapport.

L’analyse n’a permis de dégager aucun modèle ou ensemble de conditions communes qui pourraient relier les cas individuels, précise le Washington Post. Une source au sein des renseignements américains affirme au quotidien américain que les analystes ont passé des mois à traiter des données, à chercher des modèles et à inventer de nouvelles méthodologies analytiques, pour finalement ne trouver aucune explication plausible.

«De nombreuses questions restées sans réponse»

Cette conclusion semble aller à l’encontre d’un rapport d’experts publié il y a un an selon lequel des ondes électromagnétiques pourraient avoir été dans certains cas à l’origine du mystérieux syndrome, soutenant ainsi la thèse d’attaques délibérées. Mais dans sa dernière évaluation, le renseignement américain conclu qu’il «n’y a pas de preuve crédible qu’un adversaire étranger dispose d’une arme ou d’un mécanisme ayant provoqué ces troubles».

Selon l’agence de presse AP, les renseignements américains ont même fait état d’une certaine confusion au sein de gouvernements de pays adversaires des États-Unis, certains allant même jusqu’à supposer avoir affaire à un complot américain.

Un responsable, cité par le Washington Post, exprime sa frustration face à ce «mystère» qui a rendu malades «des collègues de longue date» Il précise que la communauté du renseignement restait ouverte aux nouvelles idées.

La CIA avait déjà l’année dernière jugé «improbable» qu’une entité étrangère ait pu engager une campagne systématique visant des employés dans les ambassades américaines à travers le monde mais sans pour autant l’exclure dans une vingtaine de cas.

Pour l’avocat Mark Zaid, qui dit représenter plus d’une vingtaine de personnes souffrantes, «cette dernière évaluation du renseignement américain manque de transparence et nous continuons à questionner l’exactitude de ces conclusions». «Il est inconcevable qu’au regard des nombreuses questions restées sans réponse que ce rapport aujourd’hui soit le dernier mot», a-t-il dit.

En août 2021, la visite à Hanoï de la vice-présidente américaine Kamala Harris avait été retardée de trois heures après une alerte de ce type dans la capitale vietnamienne. En septembre 2017, l’ancien président Donald Trump avait ordonné le départ de la quasi-totalité des employés de l’ambassade des Etats-Unis à La Havane, en raison de ce supposé «syndrome». L’ambassade américaine a repris début janvier la délivrance de visas pour les Cubains désirant s’installer aux Etats-Unis.