Primaires démocrates
Avec le jeune candidat hors course, le centriste Joe Biden consolide sa position. Les résultats du Super Tuesday, avec quatorze Etats qui votent, seront cruciaux pour la suite de la campagne démocrate

Il est sorti de la course un peu comme il y est entré: par surprise. Pete Buttigieg, le jeune phénomène de la campagne présidentielle américaine, a annoncé dimanche soir, depuis sa ville natale de South Bend (Indiana), qu'il se retirait de la course à la Maison-Blanche, conscient de son talon d'Achille: sa très faible popularité au sein de l'électorat afro-américain. Avec cette nouvelle défection, les candidats démocrates ne sont désormais plus que six à s'affronter pour le Super Tuesday, où quatorze Etats américains choisiront leurs favoris. Pour Joe Biden, l'abandon de Pete Buttigieg consolide clairement sa position. A moins d'un coup de théâtre mardi, on se dirige désormais vers un match entre le «socialiste» Bernie Sanders et le centriste Joe Biden. Le premier aura 79 ans en septembre, le second soufflera ses 78 bougies en novembre.
Thank you for inviting me into your homes, sharing your stories, and putting your trust in me. We launched our campaign because Americans are hungry for a new kind of politics that brings us together.
— Pete Buttigieg (@PeteButtigieg) March 2, 2020
And together we'll beat this president and build the era that must come next. pic.twitter.com/QDajvx1lpL
«Joli timing»
Pete Buttigieg, premier candidat ouvertement gay à arriver à ce stade de la campagne, a été l'une des surprises de ces derniers mois. Il a remporté les caucus de l'Iowa en février, premier Etat à voter. Dans une certaine cacophonie, il est vrai, et dépassant de très peu son rival Bernie Sanders, mais le résultat lui a permis de garder espoir pour la suite. Il a vite dû déchanter. Et s'inquiéter pour les finances de sa campagne. Car Bernie Sanders a remporté les deux primaires suivantes (New Hampshire et Nevada), puis Joe Biden, vice-président sous Barack Obama, a été le grand gagnant, ce samedi, en Caroline du Sud, avec 48,4% des voix, grâce à sa très forte notoriété au sein de l'électorat noir. Pete Buttigieg n'est arrivé qu'en quatrième position, loin derrière.
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Mais pourquoi maintenant? Le momentum peut surprendre. Quelques heures avant d'annoncer qu'il se retirait de la course, Pete Buttigieg envoyait encore des messages de récolte de fonds en vue du Super Tuesday de ce 3 mars. Rien ne laissait penser qu'il pourrait renoncer si vite. Puis, après Selma (Alabama), il a décidé d'annuler deux événements, un rally à Dallas (Texas), qui devait avoir lieu dimanche soir, et un meeting à Austin lundi, pour retourner à South Bend. Il a annoncé ce changement de trajectoire en plein vol aux journalistes qui le suivaient. Il n'en fallait pas plus pour que les médias s'agitent. Conscient de ses faibles chances, il a préféré, au dernier moment, contribuer à clarifier la situation et rebattre les cartes des primaires démocrates avant le vote crucial de mardi plutôt que de se faire un ultime ego-trip, sans réelles chances. Pour lui, ce choix était celui de la raison.
«Aujourd'hui est un moment de vérité... La vérité est que le chemin s'est rétréci, pour notre candidature, si ce n'est pour notre cause», a-t-il déclaré, très ému, depuis South Bend. «Nous avons la responsabilité d'envisager l'impact qu'aurait le fait de rester en lice plus longtemps et devons donc reconnaître qu'à ce stade de la course, la meilleure façon de garder la foi en ces objectifs et ces idéaux est de s'écarter et d'aider à unifier notre parti et notre pays.» «Notre objectif a toujours été d'aider à rassembler les Américains pour vaincre Donald Trump et défendre nos valeurs», a-t-il ajouté. Pete Buttigieg n'a par contre pas encore appelé à voter en faveur de Joe Biden.
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Dans la moyenne des sondages nationaux, le candidat modéré ne tournait ces derniers temps qu'autour de 10% des intentions de vote. Or, mardi, seuls les candidats qui totalisent plus de 15% des voix obtiendront des délégués pour la Convention nationale démocrate de juillet, qui choisira le candidat officiel pour affronter Donald Trump le 3 novembre. «Pete Buttigieg est hors course. Toutes ses voix du Super Tuesday vont aller à Joe-Biden-l'endormi», a très vite tweeté dimanche Donald Trump. «Joli timing. C'est le début des manœuvres des démocrates pour s'assurer que Bernie (Sanders) soit éliminé».
Pete Buttigieg is OUT. All of his SuperTuesday votes will go to Sleepy Joe Biden. Great timing. This is the REAL beginning of the Dems taking Bernie out of play - NO NOMINATION, AGAIN!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) March 1, 2020
Séduire les déçus du trumpisme
L'ancien maire de South Bend était parti de rien: «quatre salariés, aucune notoriété, pas d’argent, seulement une belle idée». Epaulé par son époux Chasten, il s'est ensuite très vite constitué une solide équipe de campagne, qui a misé gros sur l'Iowa. Modéré, Pete Buttigieg a toujours cherché à séduire les déçus du trumpisme, jugeant le programme résolument anti-Trump de certains de ses rivaux stérile. Agé de 38 ans, polyglotte, avec une expérience en Afghanistan comme officier du contre-espionnage, le «millennial du Midwest» a notamment travaillé pour la société de conseil McKinsey et a fait partie de l'équipe de campagne de John Kerry quand il était candidat à la présidentielle.
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Très médiatisé, il a vite été loué pour son sérieux, ses connaissances et sa bonne préparation des dossiers, sans toujours se montrer très charismatique lors des débats télévisés. Il s'est surpassé sur scène dimanche. Sa candidature aura marqué les esprits. Elle est qualifiée d'«historique» par plusieurs médias américains. Pete Buttigieg, on risque encore d'en entendre parler.
Samedi, c'est le candidat-milliardaire Tom Steyer qui a annoncé qu'il renonçait à poursuivre la course pour l'investiture démocrate, juste après les résultats de Caroline du Sud. Et il y a fort à parier que d'autres abandons auront lieu cette semaine, une fois les résultats du Super Tuesday décortiqués.