Le scrutin présidentiel est très serré au Pérou, où le candidat de la gauche radicale Pedro Castillo et la représentante de la droite populiste Keiko Fujimori sont au coude-à-coude après le vote, obligatoire au Pérou, de quelque 25 millions d'électeurs.

Le premier résultat partiel officiel a placé la représentante de la droite populiste Keiko Fujimori en tête, mais les votes issus des campagnes, favorables au candidat de la gauche radicale Pedro Castillo, devraient resserrer la tendance.

Un premier décompte

Cinq heures après la fin du vote à 19h locales (2h en Europe de l'ouest), ce premier résultat partiel porte sur le décompte de 42% des 86 488 bureaux de vote du pays, a indiqué le chef de l'Organisme électoral (ONPE), Piero Corvetto.

Etant donné le faible écart entre les deux candidats, il n'est pas certain qu'une tendance se dessine avant le décompte final qui pourrait prendre plusieurs jours.

Le résultat est si serré que «nous ne saurons pas avant le dernier bulletin» dépouillé, estime la politologue Jessica Smith. «C'est encore très confus, la différence est trop faible», a-t-elle ajouté.

A la sortie des urnes, un sondage Ipsos a donné la fille de l'ancien président Alberto Fujimori (1990-2000) en tête avec 50,3% des suffrages contre 49,7% à l'ex-instituteur.

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«Nous avons une égalité statistique, dans la marge d'erreur, une égalité très serrée. Il n'y a aucun moyen de déclarer un gagnant pour le moment», a déclaré Alfredo Torres, directeur d'Ipsos Pérou.

Deux défaites successives pour Keiko Fujimori

Les experts avaient prédit un scrutin serré. Les deux vainqueurs surprises du 1er tour le 11 avril, parmi 18 candidats, avaient assuré plus tôt dans la journée qu'ils respecteraient le verdict des urnes.

«Nous serons respectueux» du décompte des voix, a déclaré Pedro Castillo 51 ans, vêtu d'une veste marron et du chapeau blanc typique de sa région d'origine de Cajamarca (nord) où il a voté dans la ville de Tacabamba, suivi dans les rues par des centaines de partisans. «Quel que soit le résultat, je respecterai la volonté populaire», a renchéri Keiko Fujimori, 46 ans, qui a voté dans un quartier de la capitale.

La fille de l'ex-président Alberto Fujimori (1990-2000), qui purge une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité, se hisse pour la troisième fois au second tour, après deux défaites successives en 2012 et 2016. Elle n'avait pas reconnu sa défaite lors de la dernière présidentielle remportée par l'ex-président Pedro Pablo Kuczynski, avant de reconnaître une «erreur».

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Un pays endeuillé par le coronavirus

Dans les 11 400 bureaux ouverts 12 heures, quatre de plus qu'habituellement en raison de la pandémie, une majorité d'électeurs est allée voter à contrecoeur sous peine d'amende.

Ecartelés entre deux extrêmes dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas, ils sont surtout préoccupés par les chiffres alarmants de l'épidémie de coronavirus qui a déjà fait plus de 184 000 morts, faisant du pays andin le 5e le plus endeuillé au monde et le premier par rapport à son nombre d'habitants (33 millions).

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Quel qu'il soit, le futur chef de l'Etat aura d'énormes défis à relever. Il devra prendre des mesures urgentes pour surmonter la pandémie, la récession économique et l'instabilité institutionnelle chronique du pays. Il devra aussi s'accommoder d'un Parlement fragmenté, issu des législatives d'avril, et coutumier d'alliances de circonstances qui ont conduit à la destitution de deux présidents: Pedro Pablo Kuczynski en 2018 et son successeur Martin Vizcarra en 2020.

Prise de fonctions le 28 juillet

Même si les deux candidats franchement antagonistes ont appelé à l'unité, l'après-campagne risque d'être difficile tant chaque camp a alimenté les peurs.

Keiko Fujimori et ses partisans n'ont eu de cesse d'agiter le chiffon rouge au-dessus du candidat de la gauche radicale, affirmant qu'il allait transformer le Pérou en une sorte de Corée du Nord ou de Venezuela, et mener le pays à la ruine et à la dictature. Pedro Castillo a, lui, répété à l'envie qu'avec sa rivale ce sera «plus de pauvres dans un pays riche» et que perdurera la corruption, en référence au scandale Odebrecht, du nom du géant brésilien du bâtiment, qui a éclaboussé la classe politique péruvienne. Pas moins de quatre ex-présidents, dont un s'est suicidé, ont été impliqués dans ce scandale.

Le nouveau président prendra ses fonctions le 28 juillet, jour de la commémoration du bicentenaire de l'indépendance du Pérou, et remplacera le président par intérim Francisco Sagasti qui a exhorté ses compatriotes à «respecter scrupuleusement la volonté exprimée dans les urnes».