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La rentrée cauchemardesque de Donald Trump

Fiscalité, dette, budget, santé, affaire russe: les embûches sur le chemin du président américain, toujours plus fragilisé, se multiplient. Les républicains seront confrontés à des choix difficiles

Donald Trump va devoir affronter une rentrée politique explosive. — © Mark Wilson / Getty Images
Donald Trump va devoir affronter une rentrée politique explosive. — © Mark Wilson / Getty Images

Après des vacances agitées, la rentrée cauchemardesque. Polémique autour du drame de Charlottesville et sa réticence à condamner fermement les suprémacistes blancs, tensions avec la Corée du Nord, limogeage dans son équipe: Donald Trump n’a pas su se faire oublier pendant ses quelques jours au vert.

Il a beau recevoir deux fois par jour un bulletin d’informations uniquement positives sur ses propres actions soigneusement fignolé par son entourage, la rue gronde et le bilan de ses premiers mois au pouvoir reste maigre.

Il n’a aucune grande victoire législative à son actif. Sa cote de popularité tangue autour des 36%. Surtout, sa rentrée politique va ressembler à un parcours d’obstacles, une course 400 mètres haies où il pourrait bien trébucher et ne pas parvenir à réaliser des promesses de campagne.

Des dossiers chauds, brûlants même, se dressent sur son chemin. Le soutien de la majorité républicaine au Congrès ne sera pas toujours aisé, alors que se profilent déjà les élections de mi-mandat. Voici les principaux obstacles:

Obstacle n° 1: Le budget 2018

Septembre sera le mois de tous les dangers. Donald Trump doit impérativement faire passer son budget 2018 – une enveloppe de 4100 milliards de dollars – au Congrès avant le 1er octobre, sous peine de paralyser les administrations fédérales du pays.

Dans les grandes lignes, le président propose des coupes sévères de 1700 milliards de dollars sur dix ans, qui toucheront en priorité les domaines de la diplomatie, de l’environnement et de l’aide sociale. Des économies importantes pour compenser l’augmentation de 10% du budget de la Défense sur un an (+54 milliards pour atteindre 639 milliards de dollars).

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Le budget cuvée Trump fera l’objet de vives batailles au Congrès et devrait en ressortir passablement remanié. Le 1er mai, les leaders des deux Chambres n’étaient parvenus à éviter la paralysie budgétaire que de justesse.

Pour garantir le financement de l’Etat fédéral jusqu’au 30 septembre 2017, les démocrates ont fini par obtenir que l’accord ne mentionne pas le moindre dollar pour la construction d’un mur entre les Etats-Unis et le Mexique. Frustré, Donald Trump s’en était alors pris au fonctionnement du Congrès. Il a été jusqu’à souhaiter un bon «shutdown» (fermeture des administrations centrales) à l’automne, pour faire bouger les choses.

Obstacle n° 2: Le plafond de la dette

Le président américain va également devoir donner des garanties à propos du plafond de la dette. Le Congrès devra le relever pour que l’Etat puisse assurer ses obligations financières. Selon les estimations du Trésor, les finances du gouvernement ne tiendront que jusqu’au 29 septembre. Sans relèvement du plafond, les Etats-Unis pourraient être déclarés en défaut de paiement pour la première fois de leur histoire.

En 2013 encore, Donald Trump déclarait dans un tweet: «Je ne peux pas croire que les républicains vont relever le plafond de la dette – je suis républicain et j’ai honte.» La dette publique américaine s’élève actuellement à 20 000 milliards de dollars

Obstacle n° 3: La réforme de la fiscalité

Donald Trump a déjà dû faire marche arrière et revoir ses ambitions à la baisse. Il veut doubler la croissance du pays – il vise les 3% – en réduisant notamment l’impôt sur les entreprises de 35% à 15%. Beaucoup de républicains doutent que son ambitieuse réforme puisse se financer d’elle-même. Surtout, fin juillet, le secrétaire d’Etat au Trésor Steven Mnuchin a dû préciser que sa réforme n’inclura finalement pas de taxe d’ajustement aux frontières, un volet qui laissait planer le spectre d’une guerre commerciale.

Le communiqué est également signé par le conseiller économique en chef de la Maison-Blanche, Gary Cohn, ainsi que les leaders républicains des deux Chambres. L’idée, chère à Trump, était de taxer lourdement les produits et services importés et ne pas imposer les produits fabriqués aux Etats-Unis destinés à l’exportation.

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Toujours selon le communiqué, avec ce volet controversé écarté, le plan est désormais «de réduire les taux d’imposition autant que possible» et de simplifier le complexe code fiscal américain dont les derniers remaniements remontent à 1986.

Autre chantier qui a du plomb dans l’aile: son plan de 1000 milliards de dollars pour rénover les infrastructures. En difficultés, le président renonce à créer un conseil censé l’aider à réaliser des projets dans le domaine.

Obstacle n° 4: Le chantier de la santé

La balle est dans le camp du Sénat. Déchiré entre modérés et les plus conservateurs représentés par le Freedom Caucus, le parti républicain ne parvient pas à s’entendre. L’abrogation de l’Obamacare et son remplacement sont pourtant une promesse phare de Donald Trump. C’est le dossier qui embarrasse le plus les Républicains, mettant en lumière leurs querelles intestines.

Fin juillet, le psychodrame a été relancé par John McCain qui, alors qu’une tumeur au cerveau lui a été détectée, est revenu voter, du côté des démocrates, contre le compromis des républicains d’une abrogation partielle de l’Obamacare. Avec sa réforme, Barack Obama avait permis à plus de 20 millions d’Américains de souscrire à une couverture maladie; la proportion des citoyens sans assurance était passée de 16% à 8,9% entre 2010 et 2016.

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Selon des estimations du Bureau du budget du Congrès, le plan initial de la Maison-Blanche, qui supprime l’obligation universelle de s’assurer et défavorise les personnes âgées et les pauvres, aurait pour conséquence de priver de couverture maladie 24 millions de personnes supplémentaires dès 2026.

Après deux déroutes au Sénat, les républicains vont devoir faire de nouvelles concessions pour faire avancer le dossier. La longueur des débats a retardé le traitement d’autres dossiers importants. La promesse de Donald Trump risque de se terminer en queue de poisson.

Obstacle n° 5: L’affaire russe

L’enquête confiée au procureur spécial, Robert Mueller, ex-patron du FBI, se rapproche toujours plus de Donald Trump et de son entourage. Empêtré depuis le début de son mandat dans l’affaire de l’interférence russe dans la présidentielle américaine qui fait également l’objet d’enquêtes du Congrès, Donald Trump a montré qu’il voulait se débarrasser de Robert Mueller.

Il s’est entouré d’une armée d’avocats. C’est LE dossier qui pourrait déclencher une procédure de destitution et le faire tomber. Il parasite le mandat de Donald Trump depuis son élection.

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Le président s’en est aussi récemment violemment pris à son ministre de la Justice, Jeff Sessions. Il a clairement déclaré qu’il ne l’aurait pas nommé s’il avait su qu’il se récuserait dans l’affaire russe. Jeff Sessions a dû le faire après avoir été pris en flagrant délit de mensonge: il avait dans un premier temps nié avoir eu, pendant la campagne présidentielle et la phase de transition, des contacts avec l’ambassadeur russe en poste à Washington, avant d’être contraint d’avouer le contraire.

Obstacle n° 6: Lui-même

Avec son impulsivité, sa réactivité épidermique non contrôlée et son incapacité à reconnaître des erreurs ou à se laisser conseiller, Donald Trump reste son principal ennemi. Pour Tony Schwartz, coauteur du livre The Art of the Deal publié en 1987, le président, toujours plus isolé, pourrait démissionner avant la fin de l’année, avant que les enquêteurs de l’affaire russe «ne lui laissent aucune alternative», précise-t-il sur Twitter.

Grandes manœuvres à la Maison-Blanche

Limogé vendredi, le controversé Stephen Bannon, chantre de l’alt-right et désormais ex-conseiller stratégique de Donald Trump, était aussi l’un des principaux animateurs de la guerre des clans qui sévit à la Maison-Blanche, soupçonné d’alimenter des fuites dans les médias pour nuire à ses adversaires.

Avec son départ, cette guerre va-t-elle pour autant prendre fin? Rivalités, intrigues et sales petits coups entre ennemis ne font que mettre en exergue le chaos qui règne autour du règne du président des Etats-Unis.

Celui qui en sort victorieux est Jared Kushner, gendre influent de Donald Trump et époux de sa fille préférée, Ivanka. Lui et Bannon se détestaient. Le camp Kushner comprend également d’autres «modérés», comme le secrétaire au Trésor Steve Mnuchin ou Gary Cohn, chef du Conseil économique national.

L’influence limitée d’Ivanka

Dans la polémique autour de Charlottesville, Ivanka Trump et son mari ont à plusieurs reprises osé condamner les suprémacistes blancs, choqués par les premières déclarations de Donald Trump. Le couple est influent, mais son influence est limitée: Ivanka n’a pas su convaincre son père de ne pas résilier l’Accord de Paris sur le climat.

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Le clan Bannon, lui, a implosé. Le chef de cabinet Reince Priebus, qui le soutenait, a été limogé il y a quelques jours. Sebastian Gorka, conseiller de Donald Trump pour les affaires terroristes, devrait être le prochain sur la sellette. Il n’a pas nié appartenir à Vitezi Rend, un groupe d’extrême droite hongrois.

Quant à Stephen Miller, qui écrit une partie des discours de Donald Trump, le départ de Stephen Bannon devrait le pousser à persévérer dans sa tactique: se rapprocher toujours plus de Jared Kushner.

Le président regretterait-il le départ de Steve Bannon?

Le limogeage de Stephen Bannon aurait pu être interprété comme une volonté du président d’enfin se débarrasser d’un idéologue intriguant qui ne nie pas ses liens avec l’extrême droite américaine et européenne.

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Au lieu de cela, Donald Trump provoque la perplexité car il donne presque l’impression de regretter son départ. Sur Twitter, il écrit: «Steve Bannon sera une voix solide et intelligente chez @BreitbartNews… peut-être même meilleure que jamais auparavant. Les Faux Médias (Fake News) ont besoin de cette concurrence».

Le nouveau secrétaire général, John Kelly, est plus que jamais l’homme qui va devoir dissiper le chaos et construire une équipe solide autour du président américain. Il aura besoin de courage: il entre en fonction pendant l’une des périodes les plus agitées de la présidence Trump.