Lire le reportage: Les oubliés de San Francisco
Les regards se tournent bien sûr vers les entreprises tech, qui creusent les inégalités sociales et font exploser les prix de l’immobilier. A cause d’elles, les propriétaires abusent de l’Ellis Act, qui permet d’expulser les locataires pour adapter les loyers à la demande. Parfois, des travailleurs dorment dans leur voiture. Des manifestations dénoncent cette «techsploitation». Des activistes bloquent même des bus transportant des employés de Facebook, YouTube ou Google.
Mais le problème des sans-abri, bien qu’il ait tendance à empirer, existe depuis des décennies. Il est plus généralement le résultat d’une méritocratie américaine impitoyable où il n’existe pas, ou presque pas, de filet social pour ceux qui n’auraient pas suffisamment persévéré. Vous redescendez en bas de l’échelle? Tant pis pour vous.
C’est bien ce qui se passe à San Francisco. La ville est progressiste. Elle défie Donald Trump presque systématiquement, notamment sur le plan de l’immigration. Mais c’est aussi une ville des extrêmes, qui exempte Twitter d’impôts afin qu’elle y maintienne son siège au centre, et, en même temps, supprime des toilettes publiques, victimes de coupes budgétaires. Une ville où la mairie peine à ouvrir de nouveaux foyers d’urgence. Avec le risque de faire fuir les touristes. Une ville qui, en somme, donne l’impression de ne pas vouloir se donner les moyens de régler le problème, alors qu’elle dispose des ressources nécessaires. Un Janus du XXIe siècle.