Le «socialiste» Bernie Sanders, en figure de proue
États-Unis
Le candidat le plus à gauche des huit démocrates qui restent en lice pour la présidentielle a remporté la primaire du New Hampshire. Mais il est talonné de très près par le centriste Pete Buttigieg. En attendant le Super Tuesday

Triomphant, il a lancé: «Ma victoire, ici, représente le début de la fin pour Donald Trump!» Sa victoire provoque aussi quelques crispations au sein du Parti démocrate. Bernie Sanders, le plus à gauche des désormais huit candidats démocrates en lice pour la présidentielle, celui qui promet une «révolution politique» et veut «transformer l’Amérique», a récolté près de 26% des voix, mardi soir, lors de la primaire dans le New Hampshire. Mais il est talonné de très près par le centriste Pete Buttigieg. Entre les deux favoris, que quarante ans séparent, le ton est monté d’un cran ces derniers jours. A tel point qu’Elizabeth Warren, inquiète, a dénoncé les divisions qui animent le parti et les attaques personnelles.
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«Ces tactiques dures peuvent fonctionner si vous êtes prêts à brûler le reste du parti afin de rester le dernier homme debout. Mais si nous voulons battre Donald Trump en novembre […], nous ne pouvons pas nous permettre de nous diviser. Nous gagnerons si nous restons unis!» a tonné la sénatrice.
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Sanders favori dans les sondages nationaux
Le New Hampshire, dont la devise est «Vivre libre ou mourir», est le deuxième Etat à avoir voté. Bernie Sanders, 78 ans, est donc passé devant Pete Buttigieg (24,4%), Amy Klobuchar (19,8%), la candidate aux racines suisses qui fait une étonnante remontée, et Elizabeth Warren (9,3%). Joe Biden, jusqu’à il y a peu encore favori dans les sondages nationaux, n’a récolté que 8,4% des voix. Il a annulé sa soirée de campagne pour se concentrer sur le Nevada et la Caroline du Sud, où se déroulent les deux prochaines primaires, les 22 et 29 février.
Bernie Sanders avait déjà fait fort lors des caucus de l’Iowa. Malgré la gabegie qui les a entourés en raison d’un couac informatique, il est finalement arrivé juste derrière Pete Buttigieg, mais a remporté le vote populaire. Surtout, «Bernie» confirme son statut de favori dans les sondages nationaux. Pour la première fois lundi, un sondage de la Quinnipiac University le place devant Joe Biden (17%), avec 25% des voix. Le sondage révèle également une impressionnante percée du milliardaire Michael Bloomberg (15%), alors que ce dernier n’a pas jugé nécessaire de se présenter aux quatre premières primaires.
Le véritable test aura lieu le 3 mars, lors du Super Tuesday, quand 14 Etats américains, les Samoas américaines et les démocrates de l’étranger se prononceront. A noter encore que, mardi, deux candidats ont jeté l’éponge: Andrew Yang, qui prônait notamment un revenu universel mensuel de 1000 dollars pour tous les Américains, et Michael Bennet, qui n’a jusqu’ici pas vraiment fait les gros titres. Mercredi, c’est Deval Patrick qui a annoncé son retrait de la course.
Un style parfois trumpien
Malgré ses problèmes cardiaques survenus à l’automne, Bernie Sanders semble plus en forme que jamais. Candidat malheureux à la primaire démocrate de 2016 face à Hillary Clinton, le sénateur du Vermont attire un public particulièrement jeune, ce qui fait sa force. La New-Yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, la plus jeune et très médiatisée élue du Congrès, qui avait travaillé dans son équipe de campagne en 2016, le soutient pleinement. Tout comme la rappeuse Cardi B.
Jamais un candidat autant ancré à gauche n’a été aussi bien placé pour obtenir l’investiture du Parti démocrate, rappelle The Atlantic. Et d’ajouter: «Sanders a gagné élection après élection dans le Vermont en tant qu’indépendant, déclinant régulièrement l’étiquette du parti qu’il cherche maintenant à diriger. Son ascension au sommet d’un champ rempli de candidats plus traditionnels pourrait indiquer un changement important dans l’électorat.» Certaines de ses idées qui paraissaient encore utopistes en 2016 sont désormais acceptées par ses pairs.
Dans le New York Times, le professeur d’histoire Michael Kazin semble quelque peu enterrer Joe Biden. «Les Américains qui sont sérieusement désenchantés d’un président sortant ou de son parti ont tendance à être davantage touchés par un candidat sérieux qui offre une alternative nettement différente, basée sur un ensemble de convictions morales, plutôt que de simplement se demander qui pourrait être un administrateur plus efficace de l’ordre existant», écrit-il. Ces électeurs sont généralement plus nombreux parmi les jeunes.
Seuls 19% des Américains sont favorables au socialisme
L’étiquette de «socialiste» de Bernie Sanders ne risque-t-elle toutefois pas de lui nuire en cas de face-à-face avec Donald Trump dans la dernière ligne droite? C’est bien la question du moment. Un sondage de NBC News/The Wall Street Journal rappelle que seuls 19% des sondés ont une opinion favorable sur le socialisme.
Bernie Sanders milite pour une couverture santé pour tous, la gratuité des études supérieures ou encore l’annulation de la dette estudiantine. Dans ses meetings, le candidat adopte parfois un style trumpien. Surtout quand il appelle le public à huer les médias, comme c’était le cas lundi, à Keene, dans le New Hampshire. Il attaque férocement Wall Street et les «super-riches». Et quand il s’en prend à Pete Buttigieg, son désormais principal rival, il n’hésite pas à le qualifier de «Wall Street Pete», en dénonçant ses donateurs milliardaires.
En campagne, le candidat évoque souvent ses origines modestes. Son père, un juif polonais, est arrivé à l’âge de 17 ans aux Etats-Unis. Plusieurs membres de sa famille sont décédés dans des camps de concentration. Comme Joe Biden, mais contrairement à Pete Buttigieg, il est plutôt populaire parmi les Noirs américains et l’électorat latino. Cela lui sera utile lors des prochains votes.
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