Il a 49 ans, est père de deux enfants, pratique la chasse et la pêche à la mouche, élève des chevaux, des volailles et des chèvres, est l'auteur d'un livre sur le suicide assisté et l'euthanasie, et défend la peine de mort. Avec la nomination du juge Neil Gorsuch, choisi par Donald Trump, la Cour suprême sera de nouveau dominée par des conservateurs. Il n'y aura désormais plus quatre juges progressistes et quatre juges conservateurs, mais bien quatre juges progressistes et cinq juges conservateurs, ce qui aura une influence sur des dossiers cruciaux comme l'avortement, le port d'armes, le mariage homosexuel ou le décret anti-musulmans, s'il remonte jusqu'à la cour.

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Neil Gorsuch est en passe de devenir le plus jeune juge à entrer à la Cour suprême depuis 25 ans. Mais les jeux ne sont pas encore tout à fait faits: sa nomination doit être avalisée par le Sénat. Les démocrates peuvent théoriquement la bloquer: les républicains ont besoin des voix de huit démocrates pour atteindre la majorité nécessaire (60 voix sur 100).

Chuck Schumer, chef de la minorité, a averti: si le choix du juge n'est pas «acceptable», il s'y opposera «bec et ongles». Mardi soir, il a souligné qu'il appartenait désormais au juge de prouver qu'il était prêt «à défendre vigoureusement la Constitution contre les abus du pouvoir exécutif». «J'ai de sérieux doutes», a-t-il ajouté, en évoquant une «approche idéologique» de la jurisprudence et une «hostilité envers les droits des femmes». Sur Twitter, d'autres voix courroucées se sont exprimées. Le sénateur démocrate Jeff Merkley (Oregon) qualifie par exemple Neil Gorsuch d'«extrémiste».

Admiration pour le juge Scalia

«Il s'agit d'une personne incroyablement respectée et je pense que vous allez être très impressionnés», avait assuré Donald Trump quelques heures avant de dévoiler son nom. Très ému, «honoré et rempli d'humilité», Neil Gorsuch a, mardi soir, devant la presse, dit «sa reconnaissance» à sa famille, à ses amis et à sa foi. Il a précisé qu'il appartenait aux juges «d'appliquer et non pas d'altérer» le travail des représentants du peuple. Donald Trump lui reconnaît des «capacités juridiques extraordinaires», un «esprit brillant» et une «discipline remarquable». 

Neil Gorsuch est passé par Columbia, Harvard (en même temps que Barack Obama) et Oxford, a été assistant pour un juge à la Cour suprême, et a fait un passage au Département de la justice après avoir travaillé pendant dix ans comme avocat d'affaires dans un cabinet privé. Il siège depuis 2006 à la Cour d'appel fédérale de Denver, dans le Colorado.

Plutôt discret, perfectionniste, il est réputé pour ses talents de diplomate et sa rigueur intellectuelle. Il est souvent comparé au juge Antonin Scalia décédé l'an dernier, qu'il remplace, et auquel il vouait une grande admiration. Il avait appris sa mort sur une piste de ski. «Je n'ai pas honte d'avouer que j'ai poursuivi la descente à l'aveugle tellement mes yeux étaient remplis de larmes», avait-il déclaré dans un discours en avril dernier. Comme lui, il appartient à l'école de jurisprudence originaliste, pour laquelle la Constitution doit être interprétée conformément à son sens originel à l'époque de son adoption.

Nommés à vie

Le poste de neuvième siège de la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis était vacant depuis le décès, en février 2016, du juge ultra-conservateur Antonin Scalia. Barack Obama avait bien proposé un candidat, le juge Merrick Garland, en mars, mais le Sénat, dominé par les républicains, n'en a pas voulu et a été jusqu'à refuser de l'auditionner. En raison de ce trop parfait équilibre, la Cour était menacée de blocage. Désormais, elle est clairement ancrée à droite.

Ces juges sont nommés à vie par le président en exercice. Deux juges nommés par un président démocrate, Bill Clinton, ont un âge avancé. Il s'agit de Stephen Breyer, 78 ans, et de Ruth Bader Ginsburg, bientôt 84 ans. Sans oublier le républicain Anthony Kennedy, 80 ans. Le président Trump sera ainsi peut-être amené à nommer d'autres juges pendant son mandat. 

Durant sa campagne, il avait publié une liste de 21 noms pour ce poste recherché et prestigieux. Tous des candidats opposés à l'avortement et en faveur du port d'armes. Le milliardaire l'avait affirmé: «son» juge pourrait permettre d'annuler le décret «Roe v. Wade», l'arrêt emblématique de 1973 de la Cour suprême qui autorise aux femmes d'avorter. La Cour suprême est pourtant dominée par une majorité conservatrice depuis 1969 sans que l’arrêt ait jamais été renversé.

Les démocrates se tournent vers le juge Kennedy

Désormais, les démocrates attendent beaucoup du juge Anthony Kennedy. Choisi par le républicain Ronald Reagan, il est conservateur mais plutôt progressiste sur certaines questions de société. Il pourrait ainsi être amené à jouer un rôle pivot. Le choix de Donald Trump est d'ailleurs plutôt stratégique: Neil Gorsuch a travaillé pour Anthony Kennedy, qu'il apprécie beaucoup. 

La nomination du nouveau juge intervient dans un contexte tendu, en pleine polémique autour du décret anti-musulmans qui interdit aux ressortissants de sept pays (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen) de fouler le sol américain pendant 90 jours. Le licenciement lundi soir de Sally Yates, ministre de la Justice par intérim, qui a remis en question la légalité du décret, a provoqué de vives réactions.

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Donald Trump a également fustigé les démocrates via Twitter. Il les accuse de retarder la confirmation de la nomination de plusieurs membres de son équipe. «Ils devraient avoir honte! Pas surprenant que (Washington) D.C. ne fonctionne pas!» a-t-il tweeté. Le président doit pourtant pouvoir compter sur les démocrates pour qu'ils ne s'érigent pas en bloc contre la nomination de Neil Gorsuch.