Mais qui est donc Gina Haspel, 60 ans, dont aucune photo ne circule sur Internet? La nouvelle numéro deux de la CIA choisie par Donald Trump, celle qui épaulera le directeur Mike Pompeo, est une espionne de choc, qui a passé la majeure partie de sa carrière sous couverture. Gina Haspel a notamment été responsable des opérations clandestines de la CIA. Elle a surtout été impliquée, après les attentats du 11 septembre 2001, dans la mise en place de prisons secrètes de la CIA à l’étranger, où des détenus étaient torturés, soumis à des méthodes d’interrogatoires musclées, dont le «waterboarding» (simulation de noyade). Son passage, en 2013, à la tête du Service national clandestin de l’agence a été très bref: il n’a duré que quelques semaines. Précisément en raison des remous liés à son rôle dans l’affaire des prisons secrètes.

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Sa nomination intervient à un moment crucial: le président des Etats-Unis envisagerait, à travers un décret intitulé «Détention et interrogatoire de combattants ennemis», de rouvrir les geôles secrètes de la CIA que Barack Obama avait décidé de fermer. Donald Trump s’est également répandu en déclarations contradictoires sur la torture et le «waterboarding». Les dernières en date? «Je pense que c’est efficace». Il a toutefois ajouté qu’il laisserait à son ministre de la Défense et au directeur de la CIA décider s’il fallait y recourir ou non. Mike Pompeo lui-même a par le passé déclaré que ceux qui pratiquaient le «waterboarding» étaient des «patriotes, pas des tortionnaires».

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«Noyé» 83 fois en un mois

Gina Haspel a débuté sa carrière à la CIA en 1985. Elle a réalisé de nombreuses missions sous couverture, a été envoyée en mission aux quatre coins de la planète, en Afrique, au Pakistan, en Afghanistan – où elle a perdu sept agents lors d’un attentat suicide – notamment, ou encore à Londres, à la fin des années 2000. Selon des révélations du Washington Post remontant à mai 2013, elle a géré une prison secrète en Thaïlande – nom de code: «Cat’s Eye» – où les détenus, considérés comme appartenant à Al-Qaida, subissaient des actes de torture et simulations de noyade. Elle aurait détruit des vidéos compromettantes en 2005, alors que les avocats des suspects accusés de terrorisme souhaitaient les produire devant la justice. «Sur mandat de son supérieur», insistent aujourd’hui des responsables de la CIA, qui viennent à son secours.

Selon un rapport de 6000 pages sur la torture rédigé par le Comité du renseignement du Sénat, Gina Haspel a joué un rôle central, en 2002, lors de l’interrogatoire de deux présumés membres d’Al-Qaida, Abou Zoubaydah et Abd al-Rahim al-Nashiri. Abou Zoubaydah a notamment subi 83 simulations de noyade en un seul mois. Si les preuves par vidéo ont été détruites, des câbles de la CIA concernant son interrogatoire ont été déclassifiés le mois dernier.

Louanges des chefs

Sur le site de la CIA, Mike Pompeo fait les louanges de Gina Haspel: «Gina est un agent d’espionnage exemplaire et une patriote dévouée qui apporte plus de 30 ans d’expérience dans l’agence. Elle est aussi une dirigeante expérimentée avec une aptitude fantastique à faire les choses et inspirer ceux qui l’entourent». «Nous avons de la chance d’avoir quelqu’un d’intelligent, de compétent et d’expérimenté comme directrice adjointe. Je sais qu’elle fera un job remarquable, et j’ai hâte de travailler étroitement avec elle ces prochaines années», ajoute-t-il.

Fait inhabituel, le témoignage de trois anciens directeurs de la CIA et d’autres hauts responsables de l’agence figurent sous l’annonce de sa nomination sur le site internet. Comme pour anticiper les critiques sur son implication dans l’affaire des prisons secrètes. Gina Haspel a reçu plusieurs médailles au long de sa carrière, dont le Prix George H. W. Bush d’excellence en contre-terrorisme, rappelle encore la CIA.

Kellyanne Conway, la conseillère de Donald Trump, a félicité Gina Haspel dans un tweet, soulignant qu’elle était la première femme à occuper une fonction aussi élevée au sein de la CIA. Voilà qui ressemble plutôt à «fait alternatif», pour reprendre une expression chère à Kellyanne Conway, qui lui a valu des railleries. Car une autre femme, Avril Haines, a déjà occupé cette fonction avant. De 2013 à 2015.