Que les deux camps n'aient trouvé que des combattants en aussi piètre état pour aborder des questions d'une importance pareille est certes un sujet d'étonnement. En tout cas, la preuve manifeste, s'il en fallait une, que ni l'un ni l'autre de ces deux camps, pour des raisons différentes, ne juge en réalité totalement venu le moment «de vérité». De fait, la situation israélo-arabe a connu sans doute trop de décennies de blocages pour qu'un hypothétique dénouement puisse survenir autrement que par surprise, de manière quasi inopinée.
Pour être tentante, la comparaison entre un Ehud Barak fragilisé et un Yasser Arafat qui serait son double côté palestinien, est pourtant trompeuse. Certes, tous deux ont des comptes à rendre à des extrémistes auprès de qui ils se sont, par fatalité ou par incompétence, laissé constituer prisonniers. Mais la similitude entre ces deux héros meurtris s'arrête là.
Le premier ministre israélien l'a dramatiquement rappelé dimanche en s'adressant directement aux Israéliens après avoir perdu son gouvernement par pans entiers: la population l'avait porté au pouvoir il y a un peu plus d'un an avec un objectif clair, celui d'être le fils spirituel de Yitzhak Rabin et d'offrir à son pays une sécurité qui irait de pair avec la paix. Qu'est-il arrivé à ce militaire de carrière respecté, au tableau de chasse sans équivalent en Israël, dont on disait qu'il allait diriger le pays en stratège accompli? D'atermoiement en indécision, d'échec en incompréhension, l'ancienne étoile de Tsahal (l'armée israélienne) n'a cessé de pâlir, finissant par s'emmurer de plus en plus dans une arrogance solitaire et stérile. On dit d'Ehud Barak qu'il n'a pas su changer de registre en passant d'une hiérarchie au sein de laquelle les ordres ne se discutent pas à un jeu politique national mouvant, où les alliances se font et se défont continuellement, où les adversaires ne sont jamais avares en coups tordus. Quoi qu'il en soit, ce manque de décision a amené tous les rivaux politiques de Barak à tenter de tirer leur épingle du jeu. Il a aussi, en matière de rapprochement avec les Palestiniens, conduit tout ce que le pays compte d'opposants au processus de paix à s'organiser et à se manifester. Au point qu'aujourd'hui le premier ministre semble quasiment seul devant ces ultras vociférant.
Face à cette solitude, celle de Yasser Arafat est d'une autre nature. A la tête d'une Autorité palestinienne dont tout le monde reconnaît les mérites passés, il n'en est pas moins grandement délégitimé par des affaires de corruption dont l'ampleur apparaît proprement ahurissante. Que défend désormais Arafat? Les intérêts du peuple palestinien ou ceux des notables de son Autorité? Faire aujourd'hui la moindre concession sur les questions centrales de la capitale ou du retour des réfugiés reviendrait à accréditer l'idée auprès de la jeunesse palestinienne que ce leader vieillissant ne fait même plus mine de la représenter. Si sa place risque donc d'être réellement menacée selon ce qui se passera à Camp David, ce ne le sera guère par des «extrémistes», mais bien par une population palestinienne lasse de multiplier les concessions.