C’était pour Peer Steinbrück l’occasion de la dernière chance. Le candidat social-démocrate à la Chancellerie, à la traîne dans les sondages pour les élections fédérales du 22 septembre, affrontait dimanche soir en direct sa rivale ­Angela Merkel face à quelque 20 millions de téléspectateurs.

Pour le leader SPD, réputé plus agressif, c’était enfin l’occasion d’affronter sur un pied d’égalité une chancelière aux allures de Sphinx. C’est d’abord sur le bilan social de la dernière législature que Peer Steinbrück a attaqué sa rivale: «Nous avons en Allemagne un secteur de bas salaires tel qu’il n’existe nulle part ailleurs en Europe. Sept millions d’Allemands gagnent moins de 8,50 euros de l’heure!» a-t-il rappelé. Le SPD promet d’instaurer un salaire horaire minimum de 8,50 euros au 1er février 2014, s’il parvient au pouvoir. «Il est temps de sortir l’Allemagne de l’immobilisme et de la torpeur! Ne vous laissez pas embobiner!»

Face à ces attaques, Angela Merkel a insisté sur son bilan économique: croissance supérieure à celle des voisins de l’Allemagne et chômage en baisse. «L’Allemagne est un moteur de croissance. L’Allemagne est un pôle de stabilité. […] Les augmentations d’impôts que vous promettez compromettraient cet équilibre.»

Ex-ministre de la chancelière

La chancelière est créditée de 60% d’opinions favorables, alors que la campagne de son challenger n’a jamais pu décoller: ce proche de Gerhard Schröder, déjà peu apprécié de la base, a multiplié bourdes et maladresses, se présentant comme un technocrate brillant mais froid.

Peer Steinbrück, 66 ans, et Angela Merkel, 59 ans, se connaissent bien: entre 2005 et 2009, il a été son ministre des Finances du temps de la coalition des chrétiens-démocrates avec les sociaux-démocrates. Le 5 octobre 2008 marque l’apogée de leur cohabitation, lorsque côte à côte, en pleine crise de l’euro, ils rassurent les marchés en garantissant aux Allemands que leur épargne est en sécurité.

Pourtant, une certaine méfiance persistera toujours entre eux. Depuis qu’il a déclaré sa candidature, Angela Merkel ignore superbement son ancien ministre des Finances, dont elle ne prononce jamais le nom et qu’elle ne semble plus voir, pas même lorsqu’il prend la parole pour attaquer son bilan au Bundestag.

«Les deux candidats pourraient difficilement être plus différents, souligne Ulrich von Alemann, politologue de l’Université de Düsseldorf. Angela Merkel est calme, pragmatique, très prudente. Peer Steinbrück est agressif, ironique, très masculin.» En 2009, le candidat SPD avait provoqué une mini-crise diplomatique avec la Suisse, en menaçant d’envoyer la cavalerie sur la Confédération. «C’est un fonceur, là où Merkel est souvent qualifiée d’hésitante», résume le politologue Gero Neugebauer.

Remontée

Mais le principal handicap du candidat social-démocrate est son manque de visibilité face à une chancelière indéboulonnable et appréciée pour sa gestion de la crise de l’euro. Un exercice difficile. «Comment s’y prend-on pour agresser une dame sans se faire mal voir?» résumait à la veille du débat Maybrit Illner, l’un des quatre animateurs de ce cinquième débat télévisé de l’histoire politique allemande. Un véritable dilemme pour le social-démocrate, condamné à attaquer Angela Merkel pour se démarquer d’elle. Mais sans trop en faire, au risque de perdre de son déjà faible capital de sympathie.

Pour autant, rien n’est joué en Allemagne. Certes, la CDU est créditée de 42% des intentions de vote. Mais, rappellent les politologues, au soir du vote, les chrétiens-démocrates réalisent toujours depuis 2005 un score nettement inférieur à ce que les sondages pouvaient leur laisser espérer à la veille du scrutin. Et si le SPD est encore loin derrière dans les sondages – 22% d’intentions de vote –, la cote de popularité personnelle du candidat social-démocrate a progressé de 6 points, à 28% d’opinions positives, au cours des deux dernières semaines d’août.