Etats-Unis
Le nouveau directeur de la communication de la Maison-Blanche, ex-financier de Wall Street, n’a pas été un fan de la première heure de son nouveau patron. Il a aimé Hillary Clinton, le voilà qui adore Donald Trump

«The Mooch.» Toujours tiré à quatre épingles, Anthony Scaramucci, 53 ans, a une gueule, un style, des manières et un surnom que l’on peut traduire par «opportuniste» ou «parasite». Il a aussi un tic. Ou devrait-on dire un toc? Pour lui, tout le monde est «formidable». Nommé directeur de la communication de la Maison-Blanche, il n’a cessé, vendredi devant les médias, de dire combien il aimait Donald Trump («I love the president»). Et c’est d’un délicat petit baiser de la main qu’il a pris congé des journalistes après une demi-heure. Voilà le style Scaramucci.
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Il a soutenu Barack Obama en 2008
Anthony Scaramucci, qui représentait déjà l’administration Trump pour le World Economic Forum à Davos en janvier – il faisait partie de l’équipe de transition –, n’a pas toujours été un fan de Donald Trump. En 2012, il se disait en faveur du mariage gay, pour l’avortement et contre la peine de mort. Il est contre la construction d’un mur entre les Etats-Unis et le Mexique, en faveur d’actions pour lutter contre le réchauffement climatique, et n’a pas hésité par le passé à qualifier le locataire du Bureau ovale de «naze» et de «grande gueule». Girouette politique, il a récolté des fonds en 2008 pour le démocrate Barack Obama et en 2012, pour le républicain Mitt Romney. Il a aimé Hillary Clinton, le voilà qui adore Donald Trump.
Par souci de «transparence», selon ses propres termes, il vient d’effacer les tweets qui le mettent en porte-à-faux avec Donald Trump. Et se répand aujourd’hui en flatteries devant les caméras: Donald Trump «a un bon karma», Donald Trump «est un communicateur très efficace», Donald Trump est «être humain fantastique». Ceux qui le connaissent le perçoivent comme narcissique et arriviste, attiré par le pouvoir. Difficile de ne pas faire le parallèle avec Scaramouche (Scaramuccia en italien), un personnage de la commedia dell'arte, décrit comme vantard et peureux, dont le nom signifie «petit batailleur». Scaramuccia finit généralement par baisser les bras et fuir. Scaramucci, lui, espère un sort meilleur, alors que ses deux prédécesseurs ont jeté l’éponge, invoquant des motifs personnels.
Un impressionnant carnet d'adresse
L'homme est un ex-loup de Wall Street, qui aime côtoyer les grandes fortunes. Après douze ans passés à Goldman Sachs, le diplômé de Harvard a créé son propre fonds d’investissement en 2001. Quatre ans plus tard, il fonde Skybridge Capital, qui lui assure un grand succès. Depuis 2009, «The Mooch» organisait chaque année une conférence annuelle à Las Vegas, la Skybridge Alternatives Conference (SALT), pour faire le trait d’union entre les hedge funds et de riches clients. Il dispose d’un impressionnant carnet d’adresses, allant de Nicolas Sarkozy à Bill Clinton en passant par l’acteur Kevin Spacey. En janvier, il a vendu Skybridge Capital à un consortium composé du groupe chinois HNA Capital, histoire de ne pas prêter le flanc à des accusations de conflits d’intérêts. Le montant de la vente n’a jamais été divulgué, mais l’entreprise avait des actifs évalués à près de 12 milliards de dollars début 2017.
S’il est inexpérimenté sur le plan de la communication politique, le New-Yorkais, auteur de trois livres, sait haranguer la foule. Il parle comme un prédicateur et, fier de ses racines italiennes, mêle les gestes à la parole. Il sait parfaitement dompter les caméras: il a animé en émission hebdomadaire, «Wall Street Week», sur Fox Business, et était régulièrement invité sur une chaîne concurrente, la CNBC. C’est d’ailleurs lors d’une émission sur «Wall Street Week», en 2015, qu’il a tenu des propos peu amènes envers Donald Trump: «Il me faudrait peut-être un interprète quand je parle à Donald.»
L’épisode de CNN
Comment expliquer que le président américain, qui ne supporte pas la critique, ait décidé de le nommer? Sa fougue, son impertinence et sa persévérance lui parlent. Anthony Scaramucci est coriace. Il est parvenu le 22 juin à faire retirer un article publié sur le site de CNN, entraînant dans la foulée la démission de trois journalistes. De quoi réjouir Donald Trump qui s’en prend régulièrement à la chaîne. L’article affirmait que le Sénat enquêtait sur ses liens et un fonds d’investissement russe en ne se basant que sur une seule source, anonyme.
Récemment, il a adressé un tweet au sénateur républicain John McCain, opéré pour ce qui s’est avéré être une tumeur au cerveau. Il révèle en passant s’investir personnellement dans ce combat, son père ayant souffert de la même maladie. Dans les interviews, il évoque régulièrement ses origines modestes – son père travaillait dans une carrière de sable – et ne cache pas avoir un frère qui a des problèmes d’addiction à l’alcool et aux drogues.
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.@SenJohnMcCain our prayers for your recovery and comfort to your family. I have been on @FightBrainTumor board for 14 yrs. We fight on. . .
— Anthony Scaramucci (@Scaramucci) 20 juillet 2017
Sa nomination a provoqué la démission du porte-parole Sean Spicer, déjà sur un siège éjectable. Elle a aussi ravivé la guerre des clans au sein de la Maison-Blanche. Selon plusieurs sources, le chef de cabinet Reince Priebus ne voit pas d’un bon œil son accession à ce poste. Il lui avait auparavant bloqué l’accès à une autre fonction à la Maison-Blanche, alors même que le financier avait déjà vendu son d’investissement. Le voilà qui a malgré tout réussi à s’imposer. Anthony Scaramucci tente de tuer la polémique dans l’œuf. Il préfère assurer que tous deux s’entendent «comme des frères, qui parfois se chamaillent».
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Chasse à la taupe
Le poste est très exposé. Empêtré dans l'«affaire russe», Donald Trump gère souvent sa communication lui-même, se répand sur Twitter sans consulter ses proches, et n’hésite pas à contredire sa garde rapprochée, même ses plus fidèles lieutenants. La mission numéro 1 du nouveau directeur de communication est de lutter contre les fuites dont bénéficient les médias. Et donc de partir à la chasse à la taupe au sein de la Maison-Blanche, pour tenter de débusquer le ou les informateurs. Il a annoncé sur Fox des «mesures spectaculaires». Il a été encore plus loin sur CBS, où il a déclaré sans nuance: «S’ils continuent à orchestrer des fuites, je licencierai tout le monde.»