C’est par visioconférence et souvent par l’intermédiaire de messages préenregistrés que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a entamé ce lundi sa 46e session. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, n’a pas manqué de souligner le défi que représente la pandémie de Covid-19 en matière de droits humains: «Des années de progrès en matière d’égalité des genres ont été réduites à néant.» Pour le numéro un de l’ONU, la pandémie a «non seulement creusé les fossés qui nous séparent, aggravé les vulnérabilités et renforcé les inégalités, mais aussi ouvert de nouvelles lignes de faille».

Antonio Guterres a aussi mis en garde: «Brandissant la pandémie comme prétexte, les autorités de certains pays ont pris des mesures de sécurité sévères et adopté des mesures d’urgence pour réprimer les voix dissonantes, abolir les libertés les plus fondamentales, faire taire les médias indépendants et entraver le travail des organisations non gouvernementales.»

Nationalisme vaccinal dévastateur

Il s’est aussi insurgé contre le «nationalisme vaccinal» qui renvoie l’humanité des décennies en arrière. «A eux seuls, dix pays se sont partagé plus de trois quarts des doses de vaccin contre le Covid-19 administrées à ce jour. L’équité en matière de vaccins représente une étape décisive dans la réalisation des droits humains.» Ministre angolais des Affaires étrangères, Téte Antonio a lui-même illustré les inquiétudes de son pays face à l’apparition de nouveaux variants du virus et a insisté sur la nécessité de garantir un accès équitable, juste et universel aux thérapies et aux vaccins pour lutter contre le SARS-CoV-2.

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Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet a enfoncé le clou: «La pandémie a arraché le masque cachant les réalités mortelles de la discrimination, des profondes inégalités et le sous-financement chronique de services et de droits essentiels.»

Avec le retour des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France comme membres à part entière du CDH et les Etats-Unis comme observateurs, le début de la session où sont intervenus une dizaine de chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que nombre de ministres des affaires étrangères, les lignes de fracture sont rapidement apparues, laissant présager des affrontements musclés à l’avenir. Le président colombien, Ivan Duque Marquez, a fustigé la «dictature» de Nicolas Maduro au Venezuela. Son homologue lituanien Gitanas Nauseda ne s’est pas privé de critiquer sévèrement ses voisins biélorusse et russe, dénonçant la brutalité de la répression du régime d’Alexandre Loukachenko et l’empoisonnement de l’opposant au Kremlin Alexeï Navalny et son incarcération. Il a aussi évoqué l’annexion illégale de la Crimée et l’occupation russe de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, des territoires géorgiens. «Il n’est pas possible d’appliquer de façon sélective les droits humains», a-t-il déclaré.

Le président polonais, Andrzej Duda, a pris la même ligne d’attaque contre Moscou. Dans la même veine, le ministre géorgien des Affaires étrangères, David Zalkaliani, a sévèrement critiqué «l’action destructrice de la puissance occupante», la Russie, dans les territoires géorgiens d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Ne mâchant pas ses mots, il a mentionné «trois vagues de purification ethnique» provoquées par Moscou. La Russie n’a pas eu l’occasion lundi de riposter. Elle le fera mercredi par la voix de son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov.

La crédibilité du Conseil

Le plus virulent a sans doute été le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab. Il s’en est pris aussi bien à la Russie et à la Chine qu’à la Birmanie et à la Biélorussie. Il a fustigé le pouvoir chinois qui viole selon lui de façon systématique les droits humains des Hongkongais, mais aussi des Ouïgours, la minorité musulmane du Xinjiang. «Les mécanismes de l’ONU doivent répondre» à ces violations, a-t-il martelé, estimant que le CDH doit impérativement adopter une résolution condamnant Pékin pour sa politique répressive face aux Ouïgours. «Le CDH doit jouer son rôle sans quoi sa réputation sera fortement écornée», a-t-il averti.

Chef de la diplomatie palestinienne, Riyad al-Maliki a, lui, pris pour cible Israël qui bénéficie selon lui «d’impunité» face aux crimes de guerre et contre l’humanité qu’il aurait perpétrés. Pour lui, il est hors de question de supprimer le point 7 de l’ordre du jour du CDH consacré spécifiquement à Israël et aux territoires palestiniens occupés. «C’est un mécanisme qui garantit une certaine protection aux Palestiniens. Vouloir le supprimer, ce serait spolier les Palestiniens de leurs droits. […] Nous demandons de maintenir ce point jusqu’à la fin de l’occupation israélienne.» Le point 7 demeure très controversé, les Etats-Unis et plusieurs Etats européens refusant d’adopter des résolutions dans ce cadre. Ils estiment qu’il introduit un biais étant donné que c’est le seul point dédié à un pays en particulier.