Après le premier tour, les éditos tranchés de Côte d’Ivoire
La Toile francophone
L’attente fut longue, pour obtenir finalement jeudi 4 novembre les résultats du premier tour de l’élection présidentielle ivoirienne, dimanche 31 octobre. Avis tranchés
«Fini le suspense», indique jeudi, dans un billet laconique, le site du journal L’Inter, qui parle d’un «duel final» à venir: «Les rumeurs et autres spéculations des trois jours d’attente des résultats de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire ont pris fin, hier jeudi 4 novembre. Le verdict des urnes est en effet, tombé.»
C’est-à-dire, un deuxième tour, prévu le 28 novembre, entre le président sortant Laurent Gbagbo (38% des voix) et l’ancien premier ministre – sous Félix Houphouët-Boigny –, Alassane Ouattara (32%). Avec 25%, l’ancien président Henri Konan Bédié est écarté. Lui-même et ses partisans ont contesté les résultats du scrutin du dimanche 31, lors d’une manifestation dans le quartier huppé de Cocody à Abidjan, ainsi que le relate l’agence AFP.
Maintes fois repoussées, ces élections font suite, et doivent clore, une décennie de déchirements qui ont miné la Côte d’Ivoire. RFI en propose une chronologie animée.
Quelles que soient ses récriminations, l’ex-président Bédié se trouve en position de «faiseur de roi», juge L’Expression, relayée par Abidjan. net: «[…] Avec ses 26,39% de voix, Henri Konan Bédié, bien que recalé au premier tour, sera déterminant pour le choix du prochain président de la République. Comme on le voit, N’Zuéba sera le «faiseur de roi» de cette élection. Certes, les reports de voix ne sont pas mathématiques, mais Alassane Ouattara, le porte-flambeau des houphouétistes, peut compter sur l’électorat «captif» de son partenaire politique naturel pendant ce dernier tour de piste qui s’annonce très serré.»
Le journal ajoute: «Face au candidat de LMP, Laurent Gbagbo, qui va jouer à fond la carte du «Tout sauf Ouattara», du «candidat des Ivoiriens contre le candidat de l’étranger» pour séduire l’électorat pro-Bédié, le second tour de la présidentielle offre l’occasion rêvée pour tester la solidité de l’alliance RHDP», c’est-à-dire le Rassemblement des houphouétistes pour le développement et la paix.
Proche de Ouattara – lequel a rencontré jeudi des ambassadeurs, dont celui de Suisse, raconte L’Inter –, Le Patriote enfonce d’ailleurs le clou houphouëtiste: «Laurent Gbagbo légitimé, c’est la Côte d’Ivoire des valeurs, du mérite et de la concorde telle que l’a rêvée Félix Houphouët-Boigny qui en pâtira. L’heure n’est plus aux débats stériles et à la dissertation sur le sexe des anges. L’heure est au pragmatisme et au réalisme. Il faut aller à l’essentiel. Et l’essentiel aujourd’hui, c’est barrer la route qui mène vers le pouvoir à Laurent Gbagbo. Il faut donc penser aux souffrances des Ivoiriens et sceller l’union sacrée autour du candidat du RHDP le mieux placé pour gouverner ensemble. Comme le prévoit la plate-forme des Houphouétistes et le programme commun de gouvernement signé le mois dernier. Cinq ans encore pour Laurent Gbagbo, c’est cinq de souffrances, de pauvreté, de gestion chaotique et de dictature. La Côte d’Ivoire ne mérite pas cela. Il faut donc s’unir pour la sauver.»
Evidemment, Notre Voie ne l’entend pas de la même oreille. Le journal pro-Gbagbo applaudit le score du président sortant. Il démentirait ainsi les critiques des deux principaux partis opposés, qui «avaient toujours dit que c’est parce qu’ils n’avaient pas participé à l’élection de 2000 que Gbagbo avait été élu».
Le journal en déduit donc, carré: «Il est établi que le président Gbagbo est l’homme politique qui a le plus d’audience en Côte d’Ivoire. Mieux, le président Gbagbo est le seul homme politique qui transcende les clivages ethniques en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo est le seul homme politique qui n’a pas fait asseoir sa politique ni sur sa région d’origine, ni sur son groupe ethnique. C’est la raison pour laquelle les Ivoiriens reconnaissent en lui leur leader incontesté. Il suffit de voir les scores que le président Gbagbo a obtenus pendant la présidentielle du dimanche 31 octobre pour être édifié. Il a obtenu ses plus gros scores en dehors de sa région d’origine. À l’opposé, ses adversaires n’ont obtenu leurs plus gros scores que dans leur région d’origine et dans les zones à forte concentration des ressortissants de leur région. Ils ont donc bénéficié d’un vote ethnique et tribal.»
Dans une analyse un peu plus distanciée, Nord Sud évoque de son côté une «survivance des blocs régionaux», détaillant son analyse de la carte des résultats: «Il faut noter que le président sortant réussit à se sortir de cette trappe régionaliste en allant s’imposer dans plusieurs régions, notamment le Zanzan qui fait frontière avec le Burkina Faso et le Ghana. Il a d’ailleurs conquis toutes les régions frontalières de l’Est, au détriment de Bédié.» Ce dernier aurait surtout souffert de la «bataille pour le contrôle de la capitale économique».
Passé ces questions régionalistes, Nord-Sud estime que «sans tambour ni trompette, les Ivoiriens sont en train de donner une grande leçon de démocratie au monde, après une crise armée de huit ans».
Ne relevant que des «irrégularités mineures», le Conseil de sécurité de l’ONU a d’ailleurs salué la tenue des élections. Cité par l’AFP, le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire, Choi Young-jin, a souligné que l’élection présidentielle s’était déroulée «dans un environnement pacifique»; «Aucune violation majeure des droits de l’homme n’a été enregistrée», a-t-il expliqué. «Le peuple ivoirien s’est saisi de l’occasion pour montrer à la communauté internationale sa maturité et sa détermination à mener à bien ce processus» électoral, termine la dépêche. Réponse complète au lendemain du 28 novembre.
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