Après le Traité de Lisbonne…
Suisse-Europe express
La signature du texte, mardi, par le président tchèque Vaclav Klaus, rend possible son entrée en vigueur le 1er décembre. Mais à partir de là, le calendrier institutionnel de l’Union européenne reste des plus flou. Avec des conséquences pour la Suisse
Il ne suffit pas d’un texte pour diriger une Communauté de vingt-sept pays. L’entrée en vigueur, désormais programmée pour le 1er décembre, du Traité de Lisbonne, ne règle pas, loin s’en faut, tous les problèmes posés par les réformes qu’il contient. Il faut maintenant que l’UE passe à l’acte, en procédant d’abord aux dernières nominations clefs à sa tête, puis aux remaniements institutionnels nécessaires. La seule création d’un nouveau service diplomatique européen, dirigé par le futur Haut représentant pour les Affaires étrangères est un dilemne: car si son patron sera aussi vice-président de la Commission, ce service sera «sui generis» et doté de son propre budget, à la demande des Etats-membres peu désireux de voir le parlement européen exercer sur lui son plein contrôle budgéataire, comme il le fait sur la Commission. De quoi alimenter, à terme, pas mal d’imbroglio et de découpage biscornus de compétences.
Le calendrier est un autre casse tête. Dans les jours qui viennent, un sommet extraordinaire sera convoqué par l’actuelle présidence suédoise – on parle du 12 ou du 19 novembre – sans doute autour d’un dîner, pour que les Vingt-Sept se mettent d’accord sur les deux noms les plus symboliques: celui de leur futur président « stable » élu pour deux ans et demi à la majorité qualifiée, et celui du Haut représentant déja cité, que ses pouvoirs étoffés consacrent comme le troisième homme de l’édifice, et peut-être le plus important à l’avenir. Passons ici la querelle sur les noms - Tony Blair contre Jean-Claude Juncker, arbitré par le Belge Herman Van Rompuy ou le Néerlandais Jan-Peter Balkenende - et regardons les dates: au mieux, les nominations tomberont avant la fin novembre, décidées sans doute à l’unanimité. En sachant que les Etats membres devront simultanément boucler la nouvelle Commission Européenne, dotée de vingt-sept commissaires nommés par leurs capitales respectives. Avec, ensuite, un délai nécessaire pour que le président de celle-ci, José Manuel Barroso, répartisse entre eux les différents portefeuilles. Au gré des promesses faites aux différents groupes politiques de l’Europarlement, et aux différents gouvernements.
Il est dès lors très peu probable – même si les eurodéputés se disent prêts à accélérer la manœuvre courant décembre – que le «collège» puisse entrer en fonction avant les premières semaines de 2010. Explication: ces derniers doivent être auditionnés par les commissions parlementaires. Des auditions précédées par l’envoi de questionnaires, et qui peuvent s’achever par le veto des députés sur telle ou telle personne. L’hypothèse la plus réaliste est par conséquent que les auditions se tiennent en janvier à Bruxelles, suivie début février par le vote d’investiture de la Commission. Soit trois mois dominés, à coup sur, par l’indécision et les tractations.
La Suisse, face à ces chamboulements, ne fera que compter les coups. Mais elle n’est pas pour autant mieux lotie. Les changements au sein du service diplomatique européen, notamment, vont bouleverser la donne bilatérale avec l’arrivée de nouvelles équipes, d’éventuels changements d’attributions, et une plus grande interférence des Etats-membres dans l’action extérieure de l’Union. Ce qui ramènera sur le devant de la scène l’épineuse question des relations de la Confédération avec ses grands voisins. Pis: le début de l’année 2010 verra, entre autre, la concrétisation de la demande d’adhésion de l’Islande, que les Vingt-Sept pourraient accepter lors du sommet européen des 10 et 11 décembre. Par ricochet, le débat, alors, sera relancé au sein de l’UE sur l’attitude à adopter face à l’Association européenne de libre-échange, (AELE) qui à terme ne réunira plus que la Norvège, le Liechtenstein et la Suisse. Drôle de trio. En marge d’une Union affairée à régler sa nouvelle boussole.