Après une longue crise, l'Espagne et le Maroc scellent un «nouveau partenariat»
Diplomatie
Les deux pays se sont engagés à «ouvrir une nouvelle étape» dans leur relations, après le revirement de Madrid sur la question du Sahara occidental

Les relations s'apaisent entre l'Espagne et le Maroc alors qu'elles étaient suspendues depuis un an. En visite jeudi à Rabat, le premier ministre Pedro Sanchez, accompagné du ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares, a été reçu en audience dans la soirée par le roi Mohammed VI avant un «iftar», la rupture du jeûne du ramadan, offert en son honneur. Une marque de l'importance de son déplacement aux yeux des Marocains.
Lors de l'audience, le souverain et le chef du gouvernement espagnol ont «réitéré la volonté d'ouvrir une nouvelle étape dans les relations entre les deux pays», a indiqué le cabinet royal marocain dans un communiqué. Cette normalisation a été rendue possible par la décision de l'Espagne d'afficher désormais son soutien au plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental.
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Pedro Sanchez «a tenu à réaffirmer la position de l'Espagne sur le dossier du Sahara, considérant l'initiative marocaine d'autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend», a souligné le cabinet royal.
Pedro Sanchez se met à dos ses alliés de gauche et l’opposition de droite
Quelques heures avant d'atterrir à Rabat, le premier ministre socialiste avait essuyé un revers à la Chambre des députés espagnols qui a dénoncé l'abandon de la position «historique» de neutralité de Madrid sur l'ex-colonie espagnole.
Le conflit du Sahara occidental - vaste territoire désertique riche en phosphates et aux eaux très poissonneuses - oppose depuis des décennies le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie. Tandis que Rabat prône un statut d'autonomie sous souveraineté marocaine, le Polisario réclame un référendum d'autodétermination sous l'égide de l'ONU.
Si Pedro Sanchez a réfuté toute idée de «virage» sur ce dossier, il s'est mis à dos ses alliés de gauche et l'opposition de droite - comme le montre le vote des députés espagnols jeudi - mais aussi le Polisario et Alger, fournisseur de gaz de l'Espagne.
Le quotidien algérien L'Expression a accusé jeudi l'Espagne d'avoir «trahi (...) le droit légitime du peuple sahraoui à son autodétermination» et dénoncé «le jeu dangereux de Sanchez venu, surtout, aggraver les tensions dans la région».
«Coopération» dans le contrôle de l’immigration illégale
La visite du dirigeant espagnol, à l'invitation du roi Mohammed VI, s'est inscrite «dans le cadre d'une nouvelle étape de partenariat» entre les deux royaumes voisins, marquant la fin d'une grave crise diplomatique.
Comme attendu, les deux parties ont convenu de mettre en oeuvre «une feuille de route couvrant l'ensemble des domaines du partenariat». Parmi «les questions d'intérêt commun», figurent l'immigration illégale, la réouverture des frontières et des liaisons maritimes et la contrebande autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, situées sur la côte nord du royaume.
Mais également les échanges et les investissements - l'Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc -, la coopération énergétique - tel l'approvisionnement en gaz naturel après la fermeture par Alger du gazoduc Maghreb-Europe (GME) -, la délimitation des eaux territoriales...
Pour Madrid, le rétablissement des relations avec Rabat a pour but principal de s'assurer de sa «coopération» dans le contrôle de l'immigration illégale alors que le Maroc, d'où partent la plupart des migrants vers l'Espagne, a été régulièrement accusé, par nombre d'observateurs, de les utiliser comme moyen de pression.
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Des revendications sur Ceuta et Melilla
Causée par l'accueil en Espagne il y a un an du chef du Polisario Brahim Ghali, pour y être soigné du Covid, la brouille entre Rabat et Madrid avait entraîné l'arrivée mi-mai de plus de 10 000 migrants dans l'enclave espagnole de Ceuta, à la faveur d'un relâchement des contrôles côté marocain.
L'Espagne avait alors dénoncé un «chantage» et une «agression» de la part de Rabat qui avait pour sa part rappelé son ambassadrice en Espagne, qui n'y est revenue que récemment.
Le gouvernement espagnol espère aussi que Rabat mettra en sourdine sa revendication sur Ceuta et Melilla. Mais nombre d'analystes mettent en garde contre l'absence de réelles garanties obtenues par l'Espagne de la part du Maroc.