Ashraf Ghani investi à la présidence afghane

Asie Le président partagera le pouvoir

Après trois mois d’atermoiements et de controverses sur les résultats de l’élection présidentielle, Ashraf Ghani, un économiste, a été investi lundi président de l’Afghanistan devant 1400 invités. Pour la première fois depuis l’invasion américaine en 2001, le pouvoir a changé de mains, difficilement mais sans violence. Le président sortant, Hamid Karzaï, a félicité son successeur: «Après treize ans à la tête du gouvernement, je suis fier de transférer le pouvoir.» Mais la tâche du nouveau venu sera compliquée. Pour sortir de l’impasse électorale, Ashraf Ghani a promis de former un gouvernement d’union nationale avec son rival, Abdullah Abdullah. Leur entente, après des mois de bagarre, est précaire et sera mise à rude épreuve par les défis à surmonter: alors que la mission de l’OTAN prend fin en décembre, le chaos et l’insécurité embrasent des pans entiers du pays.

Ashraf Ghani a promis de mettre en tête de ses priorités la lutte contre la corruption et l’Etat de droit. Cet ancien cadre de la Banque mondiale doit en effet convaincre les investisseurs et les partenaires dont l’Afghanistan dépend de persévérer dans leurs efforts pour soutenir le gouvernement de Kaboul. Mais pour relancer l’économie, la nouvelle équipe au pouvoir devra avant tout restaurer la sécurité. Hier, la capitale afghane était sous contrôle strict, mais militaires et policiers sur le qui-vive n’ont pu empêcher qu’un kamikaze se fasse exploser à un checkpoint menant à l’aéroport, tuant quatre personnes et en blessant deux autres.

Pour contenir l’insurrection qui grignote le territoire afghan, Hamid Karzaï avait tenté de négocier avec les talibans, sans résultat. «Pour chacun des griefs des talibans, nous trouverons une solution… Nous demandons aux villageois d’œuvrer pour la paix et aux imams de conseiller les talibans, et s’ils n’écoutent pas, de couper les ponts avec eux», a annoncé Ashraf Ghani qui a, ces dernières semaines, donné des gages de sa volonté de dialogue aux talibans. La signature, ce mardi, d’un accord avec les Américains pour leur permettre de garder une présence militaire dans le pays (une force résiduelle de 12 500 hommes), ce qu’Hamid Karzaï se refusait de faire, provoque l’ire des talibans, qui menacent de lancer en représailles une offensive contre les forces gouvernementales.

La désunion pointe déjà

La plus grande difficulté qui attend l’attelage formé par Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani viendra de leur capacité à travailler ensemble, explique Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques, basé à Paris: «Le premier sera chargé de l’exécutif, le deuxième de la présidence. Mais le poste de premier ministre aux pouvoirs renforcés qui échoit à Abdullah Abdullah n’existe pas dans la Constitution, qui ne prévoit pas un tel cas de figure.» Jusqu’à la dernière minute, la présence d’Abdullah Abdullah à la cérémonie d’investiture est restée incertaine. Ce dernier voulait protester contre la publication du décompte final des voix (55% pour Ashraf Ghani), alors que l’accord entre les deux candidats prévoyait que les résultats, contestés en raison des fraudes massives, soient gardés secrets.