Aide fournie dans certaines provinces
Plusieurs ONG, dont International Rescue Committee (IRC), Save the Children ou encore Care, avaient immédiatement annoncé la suspension de leurs activités dans le pays en guise de protestation. Ces derniers jours, ces ONG ont néanmoins recommencé à fournir de l'aide dans certaines provinces avec l'appui de leur personnel féminin, dans le secteur de la santé et de la nutrition.
«Nous avons reçu des autorités compétentes des assurances claires et fiables que notre personnel féminin sera en sécurité et pourra travailler sans entrave», a indiqué Save the Children dans un communiqué. «Toutefois, l'interdiction générale étant toujours en vigueur, nos autres activités pour lesquelles nous n'avons pas d'assurance fiable que nos collègues féminines peuvent travailler, restent en suspens», a ajouté l'ONG.
«Nous avons repris les activités dans le secteur de la santé avec du personnel féminin» dans quatre provinces, a également déclaré Samira Sayed-Rahman, une responsable d'IRC. Des discussions se poursuivent pour faire de même dans les autres provinces.
Une situation humanitaire tendue
Care a aussi annoncé dans un communiqué reprendre «ses activités de santé et de nutrition en Afghanistan avec du personnel masculin et féminin». Quelque 1260 ONG exercent une activité dans le pays, selon le ministère de l'Economie, et emploient plusieurs milliers de femmes à des postes essentiels, dans des programmes d'aide alimentaire, dans les domaines de la santé ou encore de l'éducation.
«Depuis le début de l'hiver, notre situation a empiré. Nous n'avons rien mangé depuis quatre jours», a expliqué mardi Parveen en faisant la queue pour recevoir la farine, l'huile ou encore le sucre distribués par des hommes d'une ONG locale à Kaboul.
La mère de huit enfants préférerait recevoir l'aide de femmes: «Je ne peux pas dire à un homme qu'il doit m'aider car j'ai un enfant en bas âge ou parce que je suis malade», en revanche «à une femme, vous pouvez tout dire», a déploré Parveen, 38 ans.
Appels de la communauté internationale
La communauté internationale n'a cessé de réclamer au gouvernement afghan qu'il revienne sur l'interdiction faite aux femmes, prévenant qu'elle aurait un lourd impact sur le volume d'aide fourni au pays.
Le porte-parole du ministère de l'Economie, Abdul Rahman Habib, a reconnu mardi que les femmes étaient indispensables dans le secteur de la santé. «Nous avons besoin d'elles pour soutenir les enfants souffrant de malnutrition et les autres femmes qui ont besoin de services de santé», a-t-il déclaré, ajoutant que ces employées «travaillent toutes selon nos valeurs religieuses et culturelles».
Deux humanitaires ont indiqué que les échanges se poursuivaient avec les autorités pour les convaincre de laisser les femmes travailler dans d'autres domaines, notamment l'éducation, l'accès à l'eau, l'hygiène publique ou la distribution alimentaire. «Nous avons bon espoir qu'il y ait bientôt de nouvelles directives», a déclaré, sous couvert d'anonymat, un responsable d'une ONG étrangère.
Sévères restrictions
Les autorités pourraient décider «d'ouvrir de manière sélective» d'autres secteurs aux femmes, a expliqué l'un de ses homologues d'une autre ONG, qui a aussi réclamé l'anonymat. Un haut responsable taliban s'exprimant aussi sous couvert d'anonymat a indiqué que les ONG devront justifier les raisons pour lesquelles elles ont besoin d'employer des femmes.
«Le ministère de l'Economie regardera ces raisons et si un accord est conclu, alors les ONG se verront demander de garantir une bonne atmosphère de travail à leurs employées femmes», a-t-il rapporté.
Les ONG ont dénoncé les raisons invoquées par les talibans pour imposer l'interdiction, assurant faire respecter scrupuleusement le port du voile intégral et le principe de ségrégation entre hommes et femmes sur le lieu de travail. Cette interdiction pour les femmes d'être employées par des ONG avait suivi de quelques jours celle les empêchant d'étudier à l'université.
Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans ont imposé de sévères restrictions aux femmes afghanes en les écartant des emplois publics, leur interdisant de fréquenter les écoles secondaires, ou encore de se rendre dans les parcs, les gymnases et les bains publics.