«Barbes grises»
«Voilà dix jours que l’on note une forte accélération de l’activité talibane, on pensait qu’ils commenceraient par mettre la main sur le Sud, mais ils restent sur une tactique de grignotage du pays et mettent la pression sur les capitales provinciales sans les prendre, ils montrent qu’ils sont puissants dans les zones non pachtounes du Nord et semblent surtout soucieux d’isoler la capitale», analyse un diplomate occidental en poste à Kaboul, qui se garde, néanmoins, de prédire l’avenir proche. Les talibans affirment contrôler près de 90 districts sur les 421 recensés dans le pays.
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Chaque jour, ils diffusent sur les réseaux sociaux les vidéos de reddition de forces de police locales ou de soldats de l’armée régulière. Dans la province de Laghman, à l’est de la capitale, comme dans le nord du Helmand, des postes fortifiés sont tombés sans combat. Les insurgés ont parfois envoyé des «barbes grises», les aînés des villages, transmettre leurs messages aux forces de sécurité gouvernementales qui ont accepté de partir contre la vie sauve. Les talibans contrôlent, depuis le 22 juin, la principale route de sortie vers le Tadjikistan, un axe névralgique pour les relations économiques avec l’Asie centrale. Les forces afghanes en déroute ont dû, pour certaines, trouver refuge côté tadjik.
La stratégie talibane vers le nord du pays tend à démontrer qu’ils bénéficient de soutiens dans des zones non pachtounes, qui leur étaient traditionnellement opposées, et ainsi conforter leur légitimité, cette méthode est également liée à la crainte encore réelle des frappes aériennes de l’armée afghane. Des attaques ont ainsi été repoussées dans le district d’Arghandab, dans la province de Kandahar. Mais à mesure que les Etats-Unis achèvent leur retrait du pays, c’est toute la chaîne logistique de l’armée afghane qui est en danger.
Hélicoptères sans pilote
Selon un cadre de l’ONU en poste sur place, lorsqu’elles sont attaquées, les forces de sécurité ne peuvent souvent compter que sur elles-mêmes, car l’armée afghane n’est pas en mesure d’acheminer à temps les renforts et du matériel. De même, elle manque de pilotes et de mécaniciens. Les négociations entre le gouvernement de Kaboul et les contractants privés chargés de remplacer les personnels américains bloquent, notamment, sur des considérations financières.
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Résultat, plusieurs hélicoptères se sont déjà écrasés à la suite d’avaries techniques et les incidents se multiplient sur les avions. De plus, le départ définitif de leur mentor américain va priver les Afghans des moyens de renseignement modernes au sol, indispensables à la préparation des frappes. Les talibans, qui connaissent le prix élevé de l’absence de maîtrise de l’espace aérien, mènent, depuis des mois, une campagne d’assassinats ciblés visant les pilotes et les mécaniciens afghans. L’annonce, le 25 juin, à l’issue d’une visite du président afghan, Ashraf Ghani, à Washington, de la fourniture d’une quarantaine d’hélicoptères laisse songeur, car ils sont fournis… sans pilote.
Ce déplacement, repoussé à plusieurs reprises par les Etats-Unis, a été accordé après une vive insistance d'Ashraf Ghani. Mais, signe de sa faible portée, ni le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, ni Zalmay Khalilzad, l’envoyé spécial américain pour l’Afghanistan, n’étaient présents. Pour ces derniers, le temps de la négociation avec les talibans a laissé la place à celui des modalités de leur retour au pouvoir. La seule question qui semble se poser aujourd’hui est de savoir s’il se fera dans le sang ou pacifiquement.
Les troupes américaines et de l’OTAN quittent la base aérienne de Bagram
L’ensemble des troupes américaines et de l’OTAN ont quitté la base aérienne de Bagram, a annoncé vendredi à l’AFP un responsable de la Défense américaine, affirmant que le retrait de la totalité des forces étrangères présentes en Afghanistan est imminent. «Toutes les forces de la coalition ont quitté Bagram», a déclaré ce responsable, sous le couvert de l’anonymat, qui n’a pas précisé le moment précis du retrait de cette base, située à 50 kilomètres au nord de Kaboul. Durant des décennies, la base, désormais aux mains des forces gouvernementales, a été essentielle à l’intervention américaine en Afghanistan, où le conflit contre les talibans et leurs alliés d’Al-Qaida a été mené grâce à des frappes aériennes et des missions d’approvisionnement à partir de cet aéroport. AFP