Ardeshir Zahedi, ancien conseiller du shah: «Qassem Soleimani était le sang de l’Iran»
Iran
De Montreux, où il réside, l’ancien conseiller du shah d’Iran se montre très sévère contre Donald Trump. Sa politique, à ses yeux, est «irresponsable et dangereuse»

Fils d’un ancien premier ministre, lui-même ancien ministre des Affaires étrangères et ambassadeur iranien aux Etats-Unis pendant plus de quinze ans, Ardeshir Zahedi fut le gendre et l’un des principaux conseillers du shah d’Iran, dont il accompagna la mort en exil, en 1980. Installé à Montreux, conservant son esprit vif malgré son âge avancé, l’ancien diplomate a été condamné à mort par contumace lors de l’avènement de la révolution islamique iranienne. Mais son passé monarchique ne l’empêche pas de critiquer très durement l’assassinat de Qassem Soleimani, le chef de l’unité d’élite des Gardiens de la révolution. «Il était le sang de l’Iran», s’exclame-t-il, comme pour témoigner des barrières qu’a fait sauter la frappe américaine.
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Le Temps: Quelle réaction vous inspire cette action américaine?
Ardeshir Zahedi: Je suis désolé de le dire, mais il me semble que Donald Trump est une personne irresponsable et dangereuse. L’administration américaine actuelle est celle qui entraîne les problèmes, en divisant l’OTAN, en se retirant de l’accord sur le nucléaire, en lançant des provocations au Moyen-Orient. Qassem Soleimani était un héros national, il était le fils de son pays, le sang de l’Iran.
Je suis très attaché aux Etats-Unis. Mais Donald Trump, ainsi que son chef de la diplomatie, Mike Pompeo, jouent un jeu très sale et très dangereux
Il avait aussi beaucoup de sang sur les mains, non?
Il s’est battu toute sa vie pour son pays, contre l’Irak (de Saddam Hussein, lors de la guerre Iran-Irak) puis contre l’organisation de l’Etat islamique. Autant qu’un militaire, il était aussi un diplomate qui avait beaucoup de relations à travers le monde, avec des responsables et des présidents. Les gens se souviendront de lui comme d’un héros. D’ailleurs (à en croire le premier ministre irakien), il s’était rendu à Bagdad pour chercher une issue pacifique avec l’Arabie saoudite. Tout cela est bien loin de l’image de «terroriste» que propage Washington.
Vous connaissez bien les Etats-Unis. Etes-vous déçu?
Je suis très attaché aux Etats-Unis. Mais Donald Trump, ainsi que son chef de la diplomatie, Mike Pompeo – qui n’est qu’un béni-oui-oui –, jouent un jeu très sale et très dangereux. Avez-vous vu ces menaces de s’en prendre aux sites culturels iraniens? Ils ont perdu leur dignité; ce n’est pas ainsi que l’on fait preuve de leadership. Pour une raison qui m’échappe, Mike Pompeo déteste l’Iran, comme il l’a affiché lui-même à de nombreuses occasions. Excusez-moi encore, mais c’est le signe d’une grande stupidité.
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Pensez-vous qu’une revanche iranienne soit inévitable?
Je ne suis pas en train d’absoudre le régime iranien, et je ne vais jamais oublier de quoi il est coupable. Mais aujourd’hui, les Etats-Unis ont touché la fibre patriotique des Iraniens. L’irritation est énorme, comme le montrent les images des foules qui accompagnent les obsèques de Soleimani. Je suis persuadé qu’il y aura une réaction, car cet acte est une insulte et c’est l’honneur du pays qui est en jeu. Il en va aussi ainsi de l’honneur de l’Irak, comme l’a montré le vote au parlement de Bagdad pour exiger le départ des troupes américaines. Comment peut-on arriver dans un pays – a fortiori allié – et tuer celui qui était son invité? Je prône le pardon et la fraternité. Mais je crains que cela ne soit pas à l’ordre du jour.