Le XXe congrès du Parti communiste chinois s’est terminé samedi 22 octobre, et le monde a pu découvrir le lendemain, dimanche, la composition de la nouvelle équipe dirigeante. La scène est chorégraphiée: dans la salle de presse du Palais du peuple, décorée de peintures traditionnelles chinoises, une estrade est installée: moquette rouge sombre, panneau rouge vif. Après une brève introduction, les membres du Comité permanent entrent à la file, par ordre hiérarchique: le monde découvre alors qui dirigera la Chine pour les cinq prochaines années. Comme attendu, Xi Jinping, qui avait fait abolir la limite des deux mandats présidentiels en 2018, mène la marche. Il reste secrétaire général du Parti. Derrière lui, le nouveau numéro deux s’appelle Li Qiang, secrétaire général du Parti de Shanghai. C’est un fidèle de Xi Jinping, comme les autres nouveaux membres du Comité permanent, assurant au leader chinois un contrôle toujours plus absolu sur les leviers du pouvoir.

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«L’hiver arrive»

La position de Li Qiang, qui devrait probablement être nommé premier ministre lors de l’Assemblée nationale populaire, en mars prochain, a fait grincer des dents à Shanghai, où la population a vécu deux mois de confinement extrême au printemps dernier. «Li Qiang a tellement mal géré l’épidémie à Shanghai, et il devient premier ministre?», s’insurge un habitant sur Twitter (site bloqué en Chine). Sur les réseaux sociaux chinois en revanche, les critiques se font plus discrètes: «L’hiver arrive», osent plusieurs utilisateurs sur Weibo, prédisant une période sombre.

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La nomination de Li Qiang montre en effet que Xi Jinping récompense avant tout la loyauté, et non les capacités de gestion des responsables. Le nouveau Comité permanent ne compte désormais que des fidèles: Zhao Leji, responsable de la Lutte anticorruption et Wang Huning, chargé de l’Idéologie, sont reconduits dans leur fonction. Cai Qi, secrétaire général de Pékin, avait travaillé sous les ordres de Xi Jinping dans la province du Zhejiang, comme Li Xi, actuel dirigeant du Guangdong, tandis que Ding Xuexiang, directeur du Bureau central du PCC, un poste clé puisqu’il contrôle les affectations des responsables, est le bras droit de Xi Jinping à la présidence.

La sortie de Hu Jintao

L’autre image marquante a eu lieu la veille, lors de la clôture du congrès. Alors que les journalistes viennent d’entrer dans le vaste auditorium, après l’élection des 205 membres du Comité central du Parti, un homme masqué s’approche de l’ancien dirigeant Hu Jintao (2002-2012), lui glisse un mot à l’oreille, puis le soulève en lui passant les bras sous les épaules. Le vieil homme semble récalcitrant. Un deuxième agent intervient pour l’escorter hors de la salle. La scène est gênante, et inexpliquée jusqu’au lendemain: l’agence d’Etat Chine nouvelle indique seulement dans un tweet qu’il «ne se sentait pas bien pendant la session». En Chine, aucune explication n’est fournie, et le sujet est totalement censuré.

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Si la santé de M. Hu, 79 ans, semble fragile, son éviction devant les 2500 délégués du congrès et les caméras du monde entier est particulièrement symbolique. Depuis son arrivée au pouvoir, Xi Jinping a tout fait pour éliminer les membres influents de factions rivales; Hu Jintao représentait celle des jeunesses communistes, décimée par une longue campagne contre la corruption. Li Keqiang, premier ministre et protégé de Hu, a d’ailleurs pris sa retraite lors de ce congrès, alors qu’il avait l’âge pour rester un mandat de plus. Wang Yang, président de la Commission consultative du peuple chinois, lui aussi âgé de 67 ans, vu comme un modéré, était pressenti par certains comme un possible premier ministre de compromis. Il n’a pas été renouvelé non plus.

«Le culte de l’argent»

Hu Jintao avait dirigé le pays pendant une période de relative ouverture, notamment entre 2002 et 2007, laissant émerger une société civile dynamique et offrant un peu d’espace à un mouvement pour la défense des droits civiques, tout en menant une politique étrangère plutôt accommodante. Peu charismatique, il incarnait aussi une période de gouvernance collégiale, voulue par les dirigeants communistes pour éviter les dérives du maoïsme. Pour Xi Jinping toutefois, le règne de son prédécesseur a laissé un pays au bord du chaos: «La direction du Parti était affaiblie, vidée de son contenu et diluée. Des courants d’idées erronées tels que le culte de l’argent, la recherche du plaisir étaient récurrents. (…) La pagaille régnait sur l’internet», a-t-il déclaré en ouverture du congrès, le 16 octobre.

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Samedi, le congrès a amendé sa charte à l’unanimité faisant de Xi le «cœur» du Parti, obligeant tous ses membres à «soutenir la position centrale du camarade Xi au sein du Comité central et du Parti tout entier». Après avoir exposé les mérites d’un pouvoir fort en début de congrès, Xi Jinping met en pratique cette théorie, en nommant un Comité permanent entièrement composé d’alliés.

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Pékin entend «dissuader les séparatistes» taïwanais

Le Parti communiste chinois (PCC) a inscrit samedi dans sa Constitution une déclaration condamnant l’indépendance de Taïwan. Le nouveau texte appelle à «s’opposer résolument à l’indépendance de Taïwan et à dissuader les séparatistes qui la poursuivraient». Si le langage utilisé n’est pas nouveau, son inscription dans la Constitution du Parti est une manière de graver dans le marbre l’opposition du PCC à l’indépendance de Taïwan. Une semaine plus tôt, Xi Jinping avait réitéré son engagement à «réunifier» Taïwan, «par la force si nécessaire».

Le gouvernement de Taïwan a réagi samedi en appelant les dirigeants du PCC à «abandonner leur vieille mentalité de confrontation et d’invasion, pour résoudre les différends au moyen d’une solution pacifique, équitable et réaliste». Ces derniers jours, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken avait mis en garde contre une accélération des projets d’annexion de la Chine, tandis que le chef de la marine américaine a indiqué se préparer à une tentative d’invasion dès 2024.