Ce système de fichage a été annoncé en 2014 mais de nouveaux éléments ont été présentés le mois dernier. Il s’inscrit dans la stratégie «Internet Plus», qui doit aider la Chine à réorganiser son économie et dont devrait parler Xi Jinping ce mercredi. Le président chinois s’adressera, via Internet, aux participants de la troisième Conférence mondiale de l’Internet, à Wuzhen dans l’est du pays. Microsoft, IBM, Alibaba ou encore Tencent y seront notamment représentés.
Liste de sanctions
Pékin compte utiliser les données fournies par les smartphones, les médias sociaux, les sites de commerce en ligne. Les entreprises privées n’ont d’autre choix que de collaborer avec le gouvernement. Les registres des tribunaux, de la police, les banques, des impôts et des employeurs seront aussi exploités. Le détail du calcul de la note n’est pas encore connu, mais les citoyens seront récompensés en fonction de la «confiance» que leur accordera le gouvernement, sur la base de leur comportement.
La liste des sanctions vient d’être rendue publique par un chercheur de l’université de Oxford qui les a mises en ligne. Vie professionnelle et personnelle sont concernées. Les mal notés ne pourront ainsi pas exercer le métier de leur choix, ni prendre le train ou l’avion comme il le souhaite. Certains hôtels, restaurants, boîtes de nuit ou clubs de golfs leur seront interdits. Leurs enfants ne pourront entrer dans les écoles les plus chères.
Deux millions de cyberpoliciers
De son côté, Pékin assure que ce système aidera à la «construction d’une société socialiste harmonieuse». La lutte contre la corruption, dont nombre d’observateurs s’accordent à dire qu’elle vise d’abord à renforcer le pouvoir de Xi Jinping, en profitera aussi.
«Tout cela fait partie d’une tendance visible depuis deux-trois ans, s’inquiète Patrick Poon, chercheur sur la Chine auprès d’Amnesty International. Le gouvernement prive les Chinois de leur vie privée. La loi sur la cybersécurité adoptée au début du mois s’inscrit dans la même logique.» Le texte rassemble une série de mesures qui permettaient déjà à Pékin de surveiller les blogs et autres comptes Weibo ou WeChat, les Twitter et Facebook chinois. «Cela montre à quel point le gouvernement central est inquiet pour la stabilité du pays», poursuit Patrick Poon. Qui précise qu’au moins deux millions de personnes travaillent pour la police chinoise du net, un web par ailleurs toujours coupé du monde, en particulier des sites des médias occidentaux ou de Google.
L’auto-censure va sévir
«La campagne présidentielle américaine a exploité un énorme volume de données de vote, médicales et commerciales pour identifier les électeurs pouvant être convaincus» de voter en faveur de l’un ou l’autre des candidats, nuance Tetsuro Kobayashi. Cependant, ajoute ce professeur au sein du département Médias et communication de City University de Hongkong, le fichage chinois ne va pas fonctionner: «Se sachant notés par le gouvernement, les Chinois vont modifier leurs comportements. Il sera alors difficile de prévoir leurs actions».
Patrick Noon abonde: «L’auto-censure va inévitablement sévir. Ce système va se retourner contre le gouvernement. La stabilité sociale ne peut être atteinte que si l’on discute des problèmes. Or cela passe par la liberté d’expression.»