Le parti d'Aung San Suu Kyi a appelé, mardi, à la «libération» immédiate de l'ex-dirigeante et des autres responsables du mouvement, arrêtés lundi lors d'un coup d'Etat de l'armée en Birmanie. «Libérez tous les détenus, y compris le président (Win Myint) et le conseiller d'Etat (Suu Kyi)», a écrit la Ligue nationale pour la démocratie sur sa page Facebook. Ce putsch est «une tache dans l'histoire de l'Etat et de Tatmadaw», l'armée birmane. Aung San Suu Kyi serait assignée à résidence à son domicile de la capitale Naypyidaw, d'après un député de sa formation.

Un coup d'Etat a été perpétré lundi en Birmanie par la puissante armée. La cheffe de facto du gouvernement birman, Aung San Suu Kyi, a été «arrêtée» par l'armée, a indiqué à l'Agence France Presse (AFP) le porte-parole de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). «Nous avons entendu dire qu'elle est détenue à Naypyidaw (la capitale du pays), nous supposons que l'armée est en train d'organiser un coup d'Etat», a déclaré Myo Nyunt. Le président Win Myint et d'autres responsables du parti ont également été arrêtés.

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L’armée birmane a, par la suite, proclamé l’Etat d’urgence pour une période d’un an. Le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing – sans doute l’homme le plus puissant du pays – concentre désormais les pouvoirs «législatif, administratif et judiciaire», tandis qu’un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim, un poste largement honorifique.

Cette décision est nécessaire pour préserver la «stabilité» de l’Etat, ont fait savoir les militaires dans une déclaration sur la chaîne de télévision de l’armée NAME. Ils ont accusé la commission électorale de ne pas avoir remédié aux «énormes irrégularités» qui ont eu lieu, selon eux, lors des législatives de novembre, remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi. Le général Min Aung Hlaing était tenu de prendre sa retraite dans six mois. Mais les événements de lundi l'avenir de ce général qui s'était attribué le mérite de la transition démocratique en 2011 devrait s'écrire différemment.

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Les banques fermées temporairement

A Rangoun, la capitale économique, les militaires se sont notamment emparés de l'hôtel de ville et ont fermé l'accès à l'aéroport international. A la tombée de la nuit, les rues de la ville étaient désertes alors que le pays est aussi frappé de plein fouet par la pandémie de coronavirus. Les télécommunications restaient perturbées et les banques du pays ont été fermées jusqu'à nouvel ordre.

Les rares habitants rencontrés par l'AFP ne cachaient pas leur désarroi. «C'est extrêmement bouleversant», «je ne veux pas de putsch militaire», pouvait-on entendre. Quelques rassemblements pro-armée de partisans brandissant des drapeaux et entonnant des chants nationalistes se sont rapidement dispersés.

Les militaires ont promis dans un communiqué publié sur Facebook l'organisation de nouvelles élections «libres et équitables», une fois que l'état d'urgence d'un an serait levé. Mais des habitants se montraient pessimistes.

La communauté internationale demande la libération des dirigeants

Le coup d'Etat a entraîné une pluie de condamnations à travers le monde. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, condamne «fermement» l'arrestation des dirigeants politiques: «ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques en Birmanie». Pékin appelle les acteurs politiques birmans à «régler leurs différends dans le cadre de la Constitution et des lois».

La Suisse a également indiqué qu'elle demandait la libération des responsables arrêtés et au «respect du processus démocratique».

«Les Etats-Unis s'opposent à toute tentative de modification des résultats des récentes élections», selon un communiqué de la Maison-Blanche. Le peuple birman «veut la démocratie. L'UE est avec lui», a indiqué de son côté le chef de la diplomatie européenne Josep Borrel.

Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Birmanie prévue de longue date pourrait prendre un caractère d'urgence et être avancée en début de semaine en raison des derniers développements, a indiqué à l'AFP un diplomate sous couvert d'anonymat.

Des élections remportées par le parti d'Aung San Suu Kyi

Ce coup d'Etat intervient alors que le parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session ce lundi. Sous prétexte de la pandémie de coronavirus, les élections «n'ont pas été libres, ni justes», avait assuré la semaine dernière lors d'une conférence de presse le porte-parole de l'armée, le major général Zaw Min Tun.

Les craintes avaient encore grandi quand le général Min Aung Hlaing avait déclaré que la constitution pouvait être «révoquée» dans certaines circonstances. Les militaires affirment avoir recensé des millions de cas de fraude, dont des milliers d'électeurs centenaires ou mineurs.

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Le parti d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, très critiquée à l'international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas mais toujours adulée par une majorité de la population, a remporté une victoire écrasante en novembre. Il s'agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte qui a régné pendant un demi-siècle sur le pays. L'armée conserve toutefois un pouvoir très important, ayant la main sur trois ministères clés (l'Intérieur, la Défense et les Frontières).