Des grenouilles, des faons, des castors, des porcs-épics, des civettes, des louveteaux et des serpents. Ce sont quelques-uns des animaux vendus dans le marché Huanan, à Wuhan, qui a servi de point de départ à l’épidémie qui sévit actuellement en Chine. La plupart étaient conservés dans des cages et écoulés vivants. Le gérant d’un étal avait posté un menu en ligne comprenant 110 espèces, dont le prix oscillait entre 15 et 4000 yuans (2 et 560 francs).

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Dans l’Empire du Milieu, la pratique n’est guère inhabituelle. Les espèces exotiques – appelées ye wei ou «saveurs sauvages» – y sont en effet perçues comme une délicatesse. Certains n’hésitent pas à consommer des espèces en voie de disparition, comme le pangolin ou le tigre. D’autres croient que ces animaux ont des vertus anti-cancérigènes ou soignent l’impotence.

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L’an dernier, les autorités du Hubei, la province où se trouve Wuhan, ont répertorié 250 cas de trafic d’animaux sauvages. Les douanes de Hongkong annoncent régulièrement des saisies de viandes exotiques en provenance d’Afrique ou d’Asie du Sud-Est, qui ne font que transiter par la cité portuaire à destination de la Chine continentale.

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Fraîcheur des aliments 

Dans ce pays marqué par les scandales alimentaires, on accorde en outre une grande importance à la fraîcheur des aliments. Les consommateurs apprécient tout particulièrement que l’animal qu’ils s’apprêtent à acheter soit tué sous leurs yeux.

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«Les marchés dans cette partie du monde abritent donc énormément d’animaux vivants, ce qui multiplie les risques de contacts entre l’homme et le règne animal, et donc les possibilités de transmission d’un virus entre les espèces», explique Patrick Woo, un professeur de microbiologie de l’Université de Hongkong qui étudie l’émergence de nouveaux coronavirus.

Plusieurs experts pensent que le nouveau coronavirus apparu à Wuhan est passé à l’homme depuis un animal vendu dans le marché Huanan. La semaine dernière, une équipe de chercheurs chinois a indiqué qu’il pourrait s’agir d’un serpent.

Cette espèce aurait agi comme un hôte intermédiaire pour le virus qui serait à l’origine parti d’une chauve-souris, une espèce qui abrite une incroyable diversité de coronavirus, selon Patrick Poon, un professeur de santé publique à l’Université de Hongkong. Le virus du SRAS, qui avait fait près de 800 morts en 2003, s’était transmis à l’homme depuis une civette vendue sur un marché dans le Guangdong.

Suspension provisoire 

Vendredi, 19 scientifiques ont publié une lettre ouverte sur Weibo, le Twitter chinois, appelant les autorités à interdire la vente et la consommation d’espèces non domestiquées, une pratique qui représente «un risque majeur de santé publique». Dimanche, le gouvernement annonçait une suspension provisoire du commerce d’animaux sauvages, tant que l’épidémie sévirait.

Suite à l’épidémie de SRAS, Pékin avait déjà fait fermer les marchés vendant des animaux vivants dans les centres-villes des grandes métropoles. Depuis 2014, la consommation d’espèces protégées est aussi illégale, mais certaines – à l’instar des tigres – peuvent être élevées dans des fermes puis mises en vente.