La face cachée de la conquête lunaire
ÉDITORIAL. La Chine a réussi le premier alunissage sur la face cachée de notre satellite. Mais faut-il vraiment s’en réjouir?

La Chine n’a pas encore célébré son Nouvel An mais elle est déjà entrée avec fracas dans l’année 2019. A peine le président Xi Jinping avait-il fini de sommer son voisin taïwanais de revenir, de gré ou de force, dans le giron chinois que Pékin annonçait ce jeudi le premier alunissage d’un engin sur la face cachée de la Lune. Une prouesse technologique et scientifique, mais aussi une affirmation de puissance.
Comme la lune, la conquête spatiale a toujours deux faces. Dans ce domaine, les superpuissances américaine et russe ont longtemps trusté les honneurs. Cette ère est définitivement révolue. Les Chinois ne se contentent plus de suivre les pas de Washington et de Moscou. Ce jeudi 3 janvier 2019, le programme spatial chinois a signé une première retentissante. La face cachée de la Lune avait déjà été survolée et cartographiée, mais aucun pays n’était parvenu à s’y poser.
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La conquête chinoise s’opère sur la face cachée de la Lune, à l’abri des regards terriens. Comme un symbole de la méfiance suscitée par les bonds en avant de Pékin dans l’espace, mais aussi dans d’autres secteurs de pointe comme l’intelligence artificielle. Autant d’avancées impressionnantes mais aussi inquiétantes, car elles sont mises au service d’une surveillance de masse des Chinois. Le tout sur fond d’une concentration sans précédent du pouvoir entre les mains d’un seul homme: le président Xi Jinping.
Il y a une autre raison à la méfiance à l’égard de la puissance chinoise. L’Empire du Milieu est désigné comme le rival le plus dangereux des puissances occidentales, à commencer par les Etats-Unis de Donald Trump. A son arrivée au bureau mercredi, le nouveau chef du Pentagone, Patrick Shanahan, a pointé les principales menaces à ses troupes: «Souvenez-vous: la Chine, la Chine et la Chine.»
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Le gigantesque appareil militaro-industriel américain dispose toujours d’une longueur d’avance gigantesque sur ses rivaux, que ce soit sur terre, en mer ou dans le ciel et les étoiles. Mais, au moment où Pékin décroche la Lune, le gouvernement américain est paralysé par le shutdown. La comparaison est cruelle et gageons qu’elle fouettera l’orgueil exacerbé du locataire de la Maison-Blanche.
La course à l’espace en sera-t-elle relancée, aggravant les rivalités entre grandes puissances? Il y a pourtant une autre voie: celle d’une collaboration entre Etats au service d’avancées scientifiques et technologiques partagées. Utopique? Dans l’espace, les Etats-Unis et la Russie sont partenaires au sein de la Station spatiale internationale. Une coopération efficace malgré les tensions entre les deux pays. Aucun spationaute chinois n’a jamais été convié dans la station et, pour l’instant, Pékin poursuit sa voie solitaire.