Dimanche, la responsable de la Ligue des sociaux-démocrates, Chan Po-ying, tenait une petite bougie LED - un accessoire souvent utilisé lors des veillées commémorant la journée du 4 juin 1989 - et deux fleurs. La police l’a immédiatement interpellée avant de l’embarquer à bord d’une camionnette. Son parti a indiqué qu’elle avait été relâchée deux heures plus tard. Alexandra Wong, une militante pro-démocratie de 67 ans, a également été arrêtée alors qu’elle brandissait un bouquet de fleurs en hommage aux victimes de la répression de 1989, tout comme la journaliste et ancienne présidente de l’Association des journalistes de Hong Kong, Mak Yin-ting.
Une autre femme a été arrêtée après avoir crié: «Brandissez des bougies! Pleurez le 4/6!». La police de Hong Kong a indiqué dimanche soir avoir arrêté 23 personnes, âgées de 20 à 74 ans, pour avoir «troublé la paix». Vêtu de noir, un jeune homme portait, lui, un livre intitulé «35 mai» au moment de son arrestation, une autre façon de désigner les évènements de Tiananmen qui ont eu lieu quatre jours après le 31 mai. Après avoir été brièvement interrogée, fouillée puis relâchée, une femme a déclaré à l’AFP en haussant les épaules: «Tout le monde sait quel jour on est aujourd’hui».
Samedi, la police de Hong Kong avait déjà arrêté quatre personnes pour «conduite désordonnée sur la voie publique» et «actes à des fins séditieuses», et quatre autres pour «trouble à l’ordre public». Cette année, le rassemblement géant dans le parc situé dans le quartier central de Causeway Bay a été remplacé par une foire commerciale consacrée à des produits en provenance de la Chine continentale et organisée jusqu’à lundi par des groupes pro-Pékin pour célébrer le 26e anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine. Hong Kong a longtemps été la seule ville chinoise à organiser une veillée aux chandelles en mémoire de Tiananmen, qui était un indicateur-clé des libertés et du pluralisme politique que lui conférait son statut de territoire semi-autonome.
Effacer le souvenir
En Chine continentale, toute trace des événements de Tiananmen a été effacée par les autorités. Les manuels d’histoire n’en font pas mention et les discussions en ligne sur ce sujet sont systématiquement censurées. Cette année, la police chinoise a également surveillé plusieurs sites emblématiques du rare mouvement d’hostilité envers le régime de Xi Jinping qui a éclaté à l’automne dernier. Un important dispositif policier a été déployé autour du pont Sitong de Pékin, théâtre d’une manifestation fin novembre où une banderole réclamant plus de liberté avait été déroulée.
A Hong Kong, la plupart des figures du mouvement pro-démocratie ont été arrêtées ou se sont réfugiées à l’étranger depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale. C’est le cas des responsables de l’association qui organisait la veillée du parc Victoria, Hong Kong Alliance. Pour autant, les autorités sont toujours en état d’alerte maximale face aux possibles expressions de dissidence. Dimanche soir, à la nuit tombée, des dizaines de bougies étaient visibles derrière les fenêtres du consulat américain de Hong Kong.
«Entretenir cette mémoire»
Des commémorations étaient prévues au Japon, à Sydney, ou encore à New York. A Taïwan, environ 500 personnes se sont réunies dans la soirée sur la Place de la liberté de Taipei, chantant «luttons pour la liberté, soutenons Hong Kong». Elles ont disposé des bougies dessinant dans la nuit le chiffre 8964, un symbole du 4 juin 1989. «Nous devons chérir la liberté et la démocratie que nous avons à Taiwan», a dit Perry Wu, 31 ans. A Londres, environ 200 personnes ont assisté à une reconstitution satyrique des événements de Tiananmen, avec des femmes habillées de blanc représentant la «statue de la liberté» érigée en 1989 par les étudiants. Les manifestants, dont la plupart étaient originaires de Hong Kong, se sont ensuite rendus devant l’ambassade de Chine.
Parmi eux, un poète, âgé de 59 ans, originaire du Sichuan (sud-ouest de la Chine), raconte que sa famille a fui le pays juste après les évènements de 1989. «Les Chinois de ma génération savent ce qui s’est passé, mais les plus jeunes, pas vraiment», explique l’homme, qui ne veut pas donner son nom, ajoutant: » alors leurs parents, leurs grands-parents doivent entretenir cette mémoire».