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A Hongkong, les parlementaires pro-démocratie forcent Carrie Lam à renoncer à un discours

L’allocution qu’était censée prononcer la cheffe de l’exécutif hongkongais visait à reconquérir la confiance de la population après des mois de manifestations. Mais des parlementaires anti-Pékin l’ont obligée à quitter le Conseil législatif sous les huées

Carrie Lam sous les quolibets des parlementaires pro-démocratie le 15 oct. 2019 à Hongkong. — © REUTERS/Tyrone Siu
Carrie Lam sous les quolibets des parlementaires pro-démocratie le 15 oct. 2019 à Hongkong. — © REUTERS/Tyrone Siu

La cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam a été contrainte mercredi d’arrêter de prononcer son très attendu discours de politique générale après avoir été chahutée par des parlementaires, au milieu de scènes chaotiques au parlement local.

Le discours de politique générale de Carrie Lam était présenté comme une tentative pour reconquérir la confiance de la population après plus de quatre mois d’une crise politique sans précédent. Des parlementaires pro-démocratie l’ont huée, obligeant la dirigeante à battre en retraite et à quitter le Conseil législatif («LegCo», parlement local).

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Cette allocution de rentrée parlementaire était particulièrement importante après un été de manifestations et d’actions quasi quotidiennes pour demander des réformes démocratiques, sur fond de dénonciation de l’ingérence grandissante des autorités centrales chinoises.

Recours au discours pré-enregistré

Mais ce nouvel épisode a une fois de plus souligné le profond clivage de la société hongkongaise. A deux reprises, Carrie Lam a commencé à prononcer son discours sous les huées de parlementaires démocrates, minoritaires au sein du Conseil législatif dominé par les élus pro-Pékin. Certains ont brandi des pancartes sur laquelle apparaissait la dirigeante hongkongaise avec les mains en sang.

Un député a projeté des slogans du mouvement de protestation avec un projecteur de poche sur le mur situé derrière la cheffe de l’exécutif. Il a ensuite recouvert son visage d’un masque du président chinois Xi Jinping.

Après avoir échoué une seconde fois à prononcer son allocution, la dirigeante, dont le niveau de popularité est historiquement bas, a quitté le bâtiment en compagnie de sa garde rapprochée. Très vite, une vidéo pré-enregistrée de son allocution a été diffusée.

C’est la première fois qu’un dirigeant de l’ex-colonie britannique se trouve dans l’impossibilité de prononcer son discours annuel de politique générale, depuis le début de cette pratique qui remonte à 1948.

Aucune concession aux manifestants

Dans son allocution pré-enregistrée, Carrie Lam annonce différentes aides financières et son intention d’accroître l’offre de logements et de terrains afin de résoudre le problème de la pénurie de logements. Les loyers dans la région semi-autonome figurent parmi les plus élevés au monde.

«Je suis fermement convaincue que Hongkong sera capable de surmonter cette tempête et d’aller de l’avant», a-t-elle déclaré. Conformément aux attentes, elle n’a fait aucune concession aux manifestants, suscitant aussitôt des critiques au sein du mouvement pro-démocratie.

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«Tant de choses se sont passées dans les rues de Hongkong au cours des quatre derniers mois, mais Carrie Lam s’est cachée dans un abîme ou a agi comme un mannequin de cire», a déploré Tanya Chan, une parlementaire pro-démocratie.

«Carrie Lam suit les instructions données par Pékin»

La députée pro-Pékin Regina Ip a pour sa part fustigé l’attitude des députés de l’opposition qui ont contraint Carrie Lam à abandonner son discours. «Je pense que le comportement de mes collègues pro-démocrates qui insultent, crient, sautent sur le bureau pour empêcher le chef de l’exécutif de prononcer son discours politique est honteux et devrait être condamné», a-t-elle déclaré à l’AFP.

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Pour Willy Lam, expert en politique à l’Université chinoise de Hongkong, le discours de la cheffe de l’exécutif n’aurait que faiblement contribué à apaiser le mouvement de protestation, alimenté par des années de colère en raison du recul grandissant des libertés et de l’absence d’un véritable suffrage universel.

«Carrie Lam suit les instructions données par Pékin», a-t-il déclaré à l’AFP. «Même les subventions économiques ne semblent pas particulièrement impressionnantes et il faudra attendre quelques années pour qu’elles se concrétisent».

Statut spécial menacé aux Etats-Unis

La mobilisation est née du rejet d’un projet de loi qui visait à autoriser les extraditions vers la Chine. Ce texte a depuis été retiré, mais trop tardivement selon les manifestants qui ont depuis considérablement élargi le champ de leurs revendications.

L’exécutif hongkongais et Pékin ont à plusieurs reprises rejeté ces revendications, soutenant que les libertés à Hongkong étaient protégées.

Le discours de Carrie Lam est intervenu quelques heures après le vote par la chambre des représentants américains d’une «loi sur les droits de l’homme et la démocratie à Hongkong» qui menace de suspendre le statut économique spécial accordé par Washington à l’ancienne colonie britannique.