Le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait l’urgence de santé publique de portée internationale pour la pandémie de Covid-19. C’était la sixième fois que l’OMS procédait à une telle déclaration. Un an plus tard, Lawrence Gostin, professeur à l’Université Georgetown de Washington, détenteur de la Chair Founding O’Neill en droit de la santé globale, livre au Temps son évaluation de l’action de l’OMS et du chemin à suivre pour la rendre plus efficace.

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Le Temps: Quelle est votre évaluation générale de la manière dont l’OMS a géré la pandémie au cours de l’année écoulée?

Lawrence Gostin: Je donne de très bonnes notes à l’OMS. Le docteur Tedros (Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS) et son équipe ont travaillé très dur pour être à la hauteur de la pandémie. L’OMS s’est basée sur la science et a informé le public par des briefings presque quotidiens. Elle a travaillé étroitement avec les gouvernements, en particulier avec les pays à faible revenu, y compris les Etats subsahariens. Elle l’a fait bien qu’elle fût entraînée dans une bataille géopolitique entre les deux plus grandes puissances de la planète. Je pense que, dès le début, l’OMS aurait dû être beaucoup plus dure avec la Chine et n’aurait pas dû faire l’éloge de Pékin telle qu’elle l’a fait. Mais je sais qu’en privé, le docteur Tedros et Michael Ryan (directeur des situations d’urgence) ont poussé les Chinois à être plus coopératifs et plus ouverts. Récemment, le premier a critiqué la Chine pour son manque de coopération par rapport à la mission d’experts de l’OMS à Wuhan (épicentre initial de la pandémie). Globalement, la performance de l’OMS est admirable vu les circonstances.

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Selon le rapport intermédiaire du Groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie dirigé par l’ex-première ministre néo-zélandaise Helen Clark et l’ex-présidente du Liberia Ellen Sirleaf Johnson, le système d’alerte pandémique global n’était pas au point. Les procédures pour communiquer en cas de pandémie sont jugées ancestrales et pas dignes de l’ère numérique. Or le virus circule vite…

Le Règlement sanitaire international (RSI) n’a en effet pas été à la hauteur pour faire en sorte que les Etats soient totalement transparents et coopératifs. Ceux-ci se sont peu conformés aux règles du RSI imposant d’informer rapidement et de façon transparente l’émergence d’épidémies. L’OMS a été critiquée pour avoir attendu trop longtemps avant de déclarer l’urgence de santé publique de portée internationale, mais ce retard n’a pas affecté la trajectoire de la pandémie. Le docteur Tedros a proposé, et j’approuve, d’avoir des degrés différents d’urgence afin de ne pas tomber dans une approche du tout ou rien.

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Le Groupe indépendant d’Helen Clark estime qu’on n’a pas donné les moyens à l’OMS de faire son travail.

Trois points émergent dans mes priorités en termes de réforme de l’organisation. Premièrement, l’OMS a absolument besoin d’un renforcement de son financement afin qu’il soit durable et non lié aux préférences des bailleurs de fonds. L’OMS ne peut pas être une institution forte si elle a toujours un budget aussi indigent et qu’elle ne contrôle qu’un quart de ce budget. Deuxièmement, les dirigeants politiques doivent impérativement et publiquement soutenir l’OMS quand certains pays ne sont pas prêts à communiquer rapidement au sujet de l’émergence d’une épidémie et ne coopèrent pas pleinement avec l’agence onusienne. En périodes de crise, on l’a clairement vu: il y a souvent eu un manque marqué de soutien politique et diplomatique pour l’OMS. Troisièmement, l’OMS doit avoir le pouvoir légal de vérifier de façon indépendante ce que communiquent les Etats et d’accéder aux territoires souverains des Etats quand cela s’avère absolument nécessaire pour éviter une pandémie.

Faut-il conférer à l’OMS un pouvoir de sanctions?

Oui, il est vraiment temps que l’OMS dispose d’un pouvoir de sanctions dans le cadre du Règlement sanitaire international. Après autant d’épidémies comme le SRAS, MERS et Ebola, il est impératif de doper le RSI pour donner à l’OMS le pouvoir dont elle a besoin.