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Lionel Fatton: «Face au coronavirus, Taïwan est aveugle»

La rivalité politique entre Pékin et Taipei complique la gestion de l’épidémie pour l’île car, sous pression de la Chine, Taïwan est maintenue à l’écart de l’Organisation mondiale de la santé. Explications avec Lionel Fatton, spécialiste de l’Asie

La présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, durant une conférence de presse, le 26 décembre 2019. — © REUTERS/Ann Wang
La présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, durant une conférence de presse, le 26 décembre 2019. — © REUTERS/Ann Wang

Pour Taïwan, les retombées de l’épidémie de Covid-19, nouvelle dénomination du coronavirus, ne sont pas uniquement sanitaires mais également politiques. L’île est exclue des réunions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au sujet du virus, en raison de l’opposition de la Chine à sa présence. Et ce, malgré le récent soutien des Etats-Unis, du Canada, du Japon et de la Commission européenne. Cette situation n’est pas sans conséquences pour Taïwan selon Lionel Fatton, professeur assistant à la Webster University à Genève et chercheur à l’Université Meiji de Tokyo et au Charhar Institute de Pékin.

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Le Temps: L’absence de Taïwan aux réunions de l’OMS peut-elle favoriser une prolifération du virus sur l’île?

© Pierre-Michel Virot Geneva Switzerland
© Pierre-Michel Virot Geneva Switzerland

Lionel Fatton: L’OMS affirme s’entretenir sur des sujets techniques et d’expertises avec les épidémiologistes taïwanais. A ce niveau, les relations semblent satisfaisantes. Par ailleurs, les autorités chinoises expliquent échanger régulièrement des informations avec leurs homologues taïwanais et assurent avoir permis l’arrivée d’une équipe d’experts à Wuhan pour un état des lieux.

Peut-on croire la Chine lorsqu’elle affirme communiquer avec Taipei sur la situation via un canal bilatéral?

De nombreuses hypothèses sont possibles, mais la plus vraisemblable serait, en effet, l’existence d’une ligne directe entre la Chine et Taïwan. Cependant, il est impossible de connaître le degré d’efficacité de cette relation. Il est vrai que Taipei est un peu «aveugle» dans cette crise. Le détroit de Taïwan est souvent un lieu de tension entre les deux Etats qui profitent généralement d’une crise pour promouvoir leurs positions quant au statut de l’île. Taipei revendique sa souveraineté tandis que Pékin réaffirme que Taïwan est une province de la Chine continentale. A l’enjeu sanitaire s’ajoute l’aspect politique, c’est pour cette raison qu’il est difficile de démêler le vrai du faux sur cette question.

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L’Italie et les Philippines ont interdit d’entrée les ressortissants taïwanais au même titre que les Chinois. Quels effets cela peut-il avoir sur Taïwan?

Les Taïwanais n’ont que très moyennement apprécié les mesures prises par l’Italie et d’autres nations, parce qu’elles considèrent la Chine et Taipei comme une entité commune. Au niveau du message véhiculé, ce n’est pas acceptable pour Taïwan. Pourtant, d’un point de vue objectif et épidémiologique, aucune raison ne semble pouvoir justifier la mise en place de restrictions sur les voyages à l’égard de Taïwan où très peu de cas ont été recensés. Au contraire, cela a du sens pour la Chine continentale.

La crise actuelle peut-elle permettre à Taïwan d’intégrer les rangs des organisations internationales dont elle est absente?

Cela paraît compliqué. Même si l’OMS est pour le moment au centre des discussions, il faut bien admettre que l’organisation onusienne est relativement dépendante de la Chine, qui n’est pas favorable à l’entrée de Taïwan. Il y a donc assez peu de chances que cela se produise.

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