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L’application de la nouvelle loi sur la sécurité nationale de Hongkong décrétée par les autorités de Pékin il y a tout juste un an déploie ses effets. Après l’ère de contestation qui avait secoué l’ex-colonie britannique, cette dernière a retrouvé le calme. Mais il ne se passe plus une semaine sans l’annonce par les autorités de nouvelles arrestations de démocrates ou de nouvelles mesures limitant les libertés de la Région administrative spéciale. Il y a quelques jours, le Ministère public confirmait que des peines de prison à perpétuité pourraient être prononcées contre des figures du mouvement pro-démocratique. Ce vendredi, la police a arrêté Chow Hang-tung, l’une des organisatrices de la veillée en mémoire de la répression de Tiananmen.

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C’est pour échapper à ce sort que l’ancien leader étudiant hongkongais et cofondateur du parti Demosisto Nathan Law a fui le territoire pour se réfugier à Londres. Il est l’invité, ce lundi, du Sommet de Genève pour les droits humains et la démocratie. Il témoigne de la transformation de Hongkong.

Le Temps: Pourquoi avez-vous fui?

Nathan Law: J’ai quitté Hongkong avant l’entrée en vigueur de la loi nationale sur la sécurité, en juin 2020. Il était évident que nous ne pourrions plus nous exprimer librement. Il fallait qu’une figure reconnue internationalement puisse continuer de parler de Hongkong au niveau international.

Etiez-vous menacé d’être arrêté?

Certainement. Je suis accusé de «troubles à l’ordre public» par le Parti communiste chinois car je milite pour la démocratie depuis des années. La menace était imminente. Après avoir quitté Hongkong, mon nom a été ajouté à une liste de personnes recherchées en application de la loi sur la sécurité nationale. Cela signifie que je suis un «fugitif recherché». Cela confirme mes craintes.

Combien y a-t-il de noms sur cette liste?

Elle n’est pas publique. Mon nom a été évoqué par un officiel. Mais on ne sait pas précisément qui est concerné.

Les autorités ont indiqué que les peines de prison pour les militants démocrates peuvent aller jusqu’à la perpétuité.

Nous n’en avons aucune idée. Aucun verdict n’est tombé pour l’heure sous le régime de cette nouvelle loi. Il est difficile de dire quand et pour combien de temps les démocrates mis en cause seront condamnés. Cette loi indique simplement que pour les cas sérieux, c’est minimum 10 ans et que cela peut aller jusqu’à la perpétuité. Il est raisonnable de penser que des personnes comme Jimmy Lai, Benny Tai ou Joshua Wong encourent une peine de prison d’au moins 10 ans de prison.

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Que reste-t-il de l’autonomie de Hongkong?

C’est fini. On pensait que le gouvernement de Hongkong était un intermédiaire de l’application du principe «un pays, deux systèmes». On croyait qu’il pouvait représenter la population hongkongaise, relayer nos inquiétudes, défendre nos valeurs et résister au Parti communiste lorsque c’était nécessaire. Aujourd’hui ce gouvernement n’est plus qu’une marionnette du régime communiste. Ils font ce qu’ils veulent. Le plus souvent en contradiction avec les intérêts des Hongkongais.

Y a-t-il encore un moyen d’inverser cette tendance?

Le Parti communiste est confronté à de fortes pressions internes et externes. Cela dépendra des circonstances politiques. Je doute que cela change à court terme. Mais je suis confiant à plus long terme.

La pression internationale a-t-elle été suffisante?

Il y a un changement drastique dans les relations avec la Chine, en Europe et au Royaume-uni en particulier. On assiste à un gel. En Allemagne, en France, le discours devient plus dur à l’égard de la Chine. Mais ce changement doit s’accélérer. Il faut prendre conscience de la menace que représente le Parti communiste pour les systèmes démocratiques. L’ancienne complaisance envers les autorités communistes doit faire place à une attitude plus active pour demander des comptes.

Espérez-vous pouvoir retourner un jour à Hongkong?

Bien sûr que je l’espère. Il faudra peut-être attendre des décennies, mais j’y retournerai.

Après cette prise de contrôle de Hongkong, pensez-vous que Taïwan sera la prochaine étape?

Certainement. Les intimidations de l’armée chinoise se multiplient. Le gouvernement chinois a compris qu’il serait impossible d’intégrer pacifiquement Taïwan à la République populaire. Ce qui s’est passé à Hongkong doit donner à réfléchir pour l’avenir de l’île. Nous sommes au bord d’un conflit.

En décembre, des élections sont prévues. Y aura-t-il encore la possibilité de se présenter comme candidat sur une liste démocrate?

C’est inutile. Vous serez sous contrôle et le nombre de sièges pour l’élection directe est d’environ 20%, c’est insignifiant. Je doute que les démocrates y participent de nouveau.

Votre propre parti, Demosisto, a disparu.

Nous l’avons dissous avant qu’il ne soit interdit. Il reste le Civil Party et le Democratic Party. Ils discutent à présent d’un boycott des élections.

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