Le photographe suisse Marc Progin blanchi par la justice hongkongaise
Chine
Accusé d'avoir assisté des fauteurs de troubles durant les manifestations de 2019, le Neuchâtelois a été déclaré non coupable vendredi. La juge a estimé que s'il s'était montré «égoïste», il n'avait pas volontairement provoqué les faits

«Je déclare l’accusé non coupable.» La sentence prononcée vendredi par la juge Stephanie Tsui, dans une salle d’audience austère d’une cour de l’est de Hongkong, a absous le photographe neuchâtelois Marc Progin. Il était accusé d’avoir assisté des fauteurs de troubles sur la voie publique lors d’une manifestation en 2019. Il risquait un an de prison ferme et une amende de 5000 HKD (590 francs).
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«Je me sens soulagé, même si je n’ai jamais perdu confiance dans l’issue positive de cette affaire, a réagi le principal intéressé à l’issue de l’audience, son appareil photo glissé en bandoulière. Nous nous sommes défendus avec honnêteté et intégrité et c’est ce que la juge a retenu.» Et de saluer le courage de cette dernière dans un climat tendu qui a déjà débouché sur la réaffectation de plusieurs juges qui s’étaient prononcés en faveur des jeunes contestataires.
Le soutien de Mamie Wong
Un peu plus tôt dans la journée, une petite foule de supporters et de journalistes s’était amassée devant la cour. Il y avait même Mamie Wong, une retraitée connue pour sa participation aux manifestations de 2019, munie d’un parapluie jaune, d’un grand cabas avec le drapeau britannique et de plots ornés du slogan «Battons-nous pour la liberté, soutenons Hongkong». «Je suis venue pour soutenir ce photographe suisse qui a tant fait pour raconter la réalité que nous avons vécue sur le terrain, lorsque la police s’en prenait à ses propres citoyens, les traitant comme des ennemis», glisse-t-elle.
Les faits reprochés à Marc Progin se sont déroulés le 4 octobre 2019. Ce jour-là, cet horloger à la retraite, qui a émigré à Hongkong en 1977 et pratique assidûment la photographie, était descendu dans la rue pour couvrir une manifestation. L’homme de 75 ans s’est alors retrouvé le témoin d’une altercation entre la foule et un ressortissant de Chine continentale appelé Lin Nan. Bien décidé à obtenir un cliché de la scène, il s’est faufilé devant le banquier de 30 ans et a fait pivoter la porte en verre que ce dernier comptait emprunter pour rejoindre les bureaux de son employeur JP Morgan après avoir asséné à la foule, le poing levé: «Nous sommes tous Chinois!»
Marc Progin a délibérément fermé la porte sous le nez du plaignant, «l’empêchant de pénétrer dans le bâtiment et le livrant à la merci de la foule», a plaidé le procureur Kelvin Tang durant le procès, qui s’est tenu en septembre. «Quelques secondes plus tard, un homme masqué vêtu tout de noir a surgi et m’a frappé à trois ou quatre reprises sur la tête et à l’épaule, brisant mes lunettes», a de son côté déclaré Lin Nan.
Une version contestée par Marc Progin, qui dit avoir simplement voulu se positionner face à la victime pour obtenir une belle photo. «Je suis neutre, je ne soutiens aucun camp», a-t-il asséné face à la juge. Son avocat Michael Delaney s’est pour sa part attaché à démontrer que l’attaque subie par Lin Nan était due à ses propres propos provocateurs, pas aux actes du Suisse, qu’il a présenté comme «un citoyen irréprochable ayant dédié plusieurs décennies de sa vie à Hongkong».
Menacé en ligne
Fin décembre, la police est venue cueillir Marc Progin chez lui au petit matin, le soumettant à douze heures d’interrogatoire. Lin Nan avait en effet porté plainte quelques jours après l’incident et comme l’agresseur n’avait pas pu être retrouvé, il était le seul accusé. Il a été inculpé en avril. Durant les treize mois qui ont suivi cette affaire, Marc Progin a subi de violentes attaques et menaces en ligne, notamment en provenance de Chine où l’affaire a été interprétée comme le signe que les Chinois n’étaient pas en sécurité à Hongkong. «On m’a accusé d’être un faux photographe, d’avoir orchestré l’attaque», dit-il.
Vendredi, la juge a estimé qu’il avait certes fait preuve d’un «manque de considération absolu pour le bien-être de la victime» et que son comportement «égoïste» était «hautement suspicieux». Mais elle s’est aussi dite convaincue qu’il n’était pas au courant de l’attaque au préalable et qu’il n’avait pas d’affiliation politique particulière. «L’accusation n’est pas parvenue à prouver de façon indubitable que l’accusé avait aidé et assisté les fauteurs de troubles», a-t-elle conclu.
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S’il ne compte pas quitter Hongkong dans l’immédiat, Marc Progin reconnaît que sa cité d’adoption traverse une période de changement brutale, avec la mainmise croissante de Pékin sur ses affaires. Il dit toutefois vouloir continuer à vivre comme avant. «Je me suis simplement retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, c’est tout», lâche-t-il avant de rejoindre son épouse pour trinquer.