La présidence sud-coréenne ébranlée par une «chamane»
Asie
Park Geun-Hye est accusée d'être sous la coupe de la fille de son ancien gourou. La justice est saisie

La présidence sud-coréenne est menacée de paralysie à la suite de révélations en cascade depuis une semaine sur le rôle trouble d’une conseillère de l’ombre qualifiée de «chamane» par les médias. Un scandale politico-financier qui replonge le pays dans les divisions de la fin de la dictature, lorsque le père de l’actuelle présidente, Park Geun-Hye, dirigeait le pays d’une poigne de fer.
De quoi s’agit-il? Il y a une dizaine de jours, un média de Séoul publiait des informations attestant des liens particuliers entre Park Geun-Hye, élue en 2012, et Choi Soon-Sil, une amie de jeunesse. Depuis plusieurs mois, la rumeur enflait sur l’influence de cette femme dans les plus hautes sphères du pouvoir. Celle-ci ne se contentait pas de conseils amicaux à la présidente sur ses tenues vestimentaires. Elle relisait ses discours, intervenait sur la nomination de ministres et avait accès des informations sensibles, y compris dans les domaines militaires et diplomatiques.
Trafic d’influence
Choi Soon-Sil, toujours selon les médias sud-coréens, savait également monnayer les fruits de cette amitié en bénéficiant de passe-droit pour ses affaires immobilières et en forçant la main de conglomérats industriels pour financer à hauteur de 70 millions de francs deux fondations dont l’argent était détourné pour son bénéfice personnel ainsi que celui de sa fille.
Ces allégations, reprises par l’opposition à un an des élections, ont alimenté des appels à la démission de Park Geun-Hye, puis des manifestations anti-gouvernementales ce week-end. Acculée, la présidente s’est en partie excusée avant de remanier son cabinet tout en se séparant de plusieurs de ses collaborateurs.
«Crime impardonnable»
Etablie depuis quelques temps en Allemagne, Choi Soon-Sil est pour sa part finalement rentrée à Séoul dimanche pour affronter la justice de son pays, tout en niant la plupart des accusations hormis la relecture des discours présidentiels. Lundi, alors qu’elle se rendait au tribunal, elle s’est effondrée au milieu d’une foule de manifestants et de journalistes après avoir exprimé des excuses pour «avoir commis un crime impardonnable». Son avocat précisait aussitôt qu’il ne s’agissait en aucun cas d’un aveu de culpabilité. Quelques heures plus tard, le juge en charge de l’enquête annonçait son arrestation.
Dans un pays où la corruption reste un mal qui mine l’ensemble de la classe politique, ce scandale a pris une tournure particulière en raison de sa dimension mystique. Le père de Choi Soon-Sil, Choi Tae-Min, fondateur de L’Église de la vie éternelle, pris Park Geun-Hye sous son aile à la mort de sa mère, assassinée en 1974. Ce guru, marié à six reprises, lui affirma que sa mère lui était apparue en rêve pour lui demander de prendre soin d’elle. Son influence devint alors déterminante sur celle qui assura le rôle de première dame aux côtés de son père, Park Chung-Hee, l’ancien dictateur militaire qui dirigea le pays jusqu’en 1979. C’est ainsi qu’il se vit affublé du surnom de «Raspoutine coréen».
Posture intransigeante
Dans un document diplomatique datant de 2007, publié par Wikileaks, un officiel de l’ambassade américaine à Séoul affirmait que «de nombreuses rumeurs font état d’un contrôle total de l’ancien pasteur sur le corps et l’âme de Park durant ses années de formation. Grâce à cela, ses enfants ont pu accumuler une énorme richesse.» Aujourd’hui, des médias locaux affirment que Choi Soon-Sil serait à l’origine de la posture intransigeante de la présidente envers son voisin nord-coréen, des esprits lui ayant indiqué que le régime de Pyongyang allait s’effondrer.
Le scandale pourrait mettre fin aux espoirs de Park Guen-Hye de se présenter pour un second mandat (au prix d’un aménagement constitutionnel). Son propre parti conservateur, le Saenuri, se déchire entre ceux qui prônent l’unité derrière la présidente et ceux qui appellent à la formation d’un gouvernement «neutre» avec le soutien de l’opposition. Sur le plan international, le Japon s’inquiète déjà de la possible remise en question d’un important sommet tripartite avec la Chine qui doit prochainement avoir lieu à Tokyo.