De toutes les organisations terroristes, le Groupe islamique combattant libyen (GICL) était l’une des plus efficacement structurées et les plus densément maillées à l’international. Le Temps a pris connaissances d’une liste, établie en 2004, de plus 130 personnes recherchées par Tripoli et Interpol pour leur appartenance au GICL. Elles s’éparpillent dans une quinzaine de pays, à commencer par la Grande-Bretagne, la Turquie ou l’Afghanistan. Et la Suisse pour une dizaine d’entre elles. Les Services de renseignement de la Confédération ont opposé une fin de non-recevoir aux questions du Temps. Mais plusieurs éléments corroborent l’existence de liens entre la Suisse et l’organisation terroriste. Un câble émis depuis l’ambassade américaine à Berne (24.05.2006) révélé par WikiLeaks atteste ainsi d’une piste libyenne dans le cadre du coup de filet dans les milieux islamistes en Suisse en mai 2006. A l’époque, la presse nationale, qui évoquait la préparation d’un attentat à la roquette contre un avion de la compagnie El Al au départ de Cointrin, ne s’était fait l’écho que d’une «piste algérienne» (LT du 17.06.2006). Or, consigne le câble, «la police suisse a arrêté plusieurs membres du GICL à Zurich et à Bâle». Deux sont considérés comme des «suspects clefs» et sont nommément cités. Ces membres du GICL sont aussi soupçonnés d’entretenir des liens avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien. Autre élément troublant, un document cité récemment par le Telegraph britannique révèle qu’un extrémiste, Ismaël Kamoka, emprisonné en Grande-Bretagne en 2007 pour avoir fourni des financements au GICL, «a voyagé de la Grande-Bretagne à l’Iran, via la Suisse» en juillet 2002.
Interrogé sur des noms de la liste Interpol et les voyages de Kamoka, Noman Benotman, un ancien du GICL, reconverti, en Grande-Bretagne, dans l’analyse des mouvements jihadistes, se dit «mal à l’aise» et refuse d’entrer dans les détails. Mais il confirme: «Oui, bien sûr. Des individus ont atterri en Suisse. Pour différentes raisons, notamment personnelles. Certains s’y sont installés après avoir quitté le groupe.» D’après lui, toutefois, la Suisse n’occupait qu’une place incidente dans le réseau. «Elle n’a jamais fait partie des infrastructures du GICL. Et aucun membre n’y a été envoyé avec des tâches précises.» «Faux, assène un spécialiste européen du renseignement. De la quarantaine de piliers du GICL, plusieurs ont œuvré en Suisse.»