La prise d’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 laisse des traces. Sans la désignation claire d’une responsabilité politique, une telle attaque, que personne n’imaginait possible, pourrait se reproduire

Combien de clous vont-ils encore être enfoncés dans le cercueil de la démocratie américaine? L’attaque meurtrière du Capitole du 6 janvier 2021 n’a rien d’un accident de l’histoire. Un an après le drame, les plaies restent béantes.
Si les conséquences de l’insurrection méritent une analyse fine, en comprendre les origines est toujours plus indispensable. Une commission parlementaire à majorité démocrate s’y attelle et subit l’obstruction systématique du clan Trump. Plus de 725 émeutiers déterminés à empêcher la validation de la victoire de Joe Biden ont déjà été inculpés. Mais le ministre de la Justice semble pour l’heure n’avoir aucune intention de mener une enquête sérieuse sur les responsables politiques au moment de l’attaque. Or condamner des hurluberlus extrémistes à cornes de bison ou qui profèrent des menaces de mort contre des élus en agitant des drapeaux de Confédérés ne suffit pas.
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Car, oui, un tel drame, inimaginable il y a peu malgré les nombreux signaux d’alerte, pourrait bien se reproduire. Le terreau américain est fertile. Une redoutable trinité est à l’œuvre. Un ex-président qui refuse obstinément sa défaite en évoquant des «fraudes massives», alimente toutes sortes de frustrations et n’exclut pas de se représenter pour 2024. Un Parti républicain qui continue de l’utiliser comme machine électorale et multiplie les efforts pour décrédibiliser le processus de vote. Et, enfin, le poison complotiste qui coule désormais dans les veines du Congrès, avec l’élection d’adeptes des théories conspirationnistes de QAnon. Ose-t-on imaginer la réaction de Trump et de ses partisans s’il se représentait en 2024 – lui ou un de ses clones – et accusait une nouvelle défaite?
L’Amérique a mal à sa démocratie. Le président démocrate Joe Biden a beau multiplier les efforts pour retrouver un leadership et devenir le chantre du multilatéralisme, l’épisode de l’attaque du Capitole restera à jamais un trou noir dans l’histoire américaine. Sans la désignation claire de responsables politiques, les groupuscules qui méprisent ouvertement la démocratie ne s’en sentiront que plus légitimés. Un tiers des Américains estiment que la violence contre le gouvernement peut être justifiée, rappellent d’ailleurs d’inquiétants sondages. C’est bien là que se situe le véritable danger. Pour Biden, «restaurer l’âme de l’Amérique» et un semblant de confiance, dans un pays ultra-polarisé, devient aussi urgent que difficile.
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