Les recherches ont été suspendues mercredi, indiquait un communiqué relayé par le site de Zinfos974. Un «dispositif de surveillance est désormais maintenu, tant en mer que sur la plage», ajoute la préfecture.

Lundi 19 en lieu d’après-midi à une vingtaine de mètres de la plage de Boucan Canot, sur l’île de La Réunion, le surfeur et bodyboardeur Mathieu Schiller (32 ou 38 ans, selon les articles) était agressé par un requin. Le jeune homme avait été champion de France de bodyboard en 1998. «L’attaque a été foudroyante», a raconté un témoin cité le lendemain par l’AFP (sur le site du Monde), d’autres témoins ont parlé d’une «mare de sang», et raconté que certains ont tenté de ramener le corps, emporté ensuite par une vague.

Cet après-midi-là, la plage était placée sous le régime du drapeau rouge, qui, à la Réunion, signifie l’interdiction de baignade, mais pas des sports nautiques. Il s’agissait de la quatrième attaque de squale depuis le début de l’année, et la deuxième mortelle – un surfeur avait déjà succombé dans des circonstances similaires en juin.

Polémique rapide

Les recherches ont duré deux jours, en vain. La polémique, elle, est apparue sans tarder. «Cette nouvelle attaque a suscité la tristesse mais surtout la colère des proches et amis de la victime», relève Zinfos974; «Ces derniers ont dénoncé l’inertie des pouvoirs publics, certains ne comprenant pas le manque de moyens pour lutter contre les attaques de requin.»

Le lendemain de l’attaque, la mairie de Saint-Paul, dont dépend cette plage, a décidé d’élargir l’interdiction exprimée par le drapeau rouge aux activités nautiques (son laconique communiqué). La dépêche de l’AFP déjà mentionnée indiquait en outre que la préfecture a demandé au directeur de l’environnement et de l’aménagement de «lui proposer sous trois jours le prélèvement de requins appartenant aux espèces dangereuses et non protégées (requin-tigre, bouledogue et mako)».

Les commentaires des internautes ont vite reflété la division des esprits. «Les eaux réunionnaises n’appartiennent pas à quelques surfeurs et je trouve déjà scandaleux qu’on prenne des mesures contraignantes pour toute la population à cause de l’irresponsabilité de quelques-uns!», lance l’un d’eux, qui ajoute: «Les attaques ont toujours eu lieu dans des conditions précises de houle et après des fortes pluies comme il y en a eu à Saint-Paul samedi! De plus elles ne touchent que les surfeurs! Toutes les études ont montré qu’aller surfer dans ces conditions était risqué, et vous avez pris ce risque, croyant en je ne sais quelle loi qui interdirait aux requins de venir vous attaquer!»

Un autre réplique: «Rendez-vous compte, à des millions de téléspectateurs, le maire de Saint-Paul déclare devant les caméras de TF1 entre autres, que les plages, de Boucan à Roches noires, celles-là mêmes que l’on montre dans les spots publicitaires pour attirer les touristes, sont officiellement reconnues dangereuses. Vous vouliez la mort du tourisme à la Réunion, son ambassadrice de choc a annoncé la sentence.» A la question de savoir s’il faut installer de nouvelles protections, réclamées par certains, un commentateur rétorque: «Dis […] tu payes les installations pour sécuriser? Parce que, si tu veux, nous sommes dans une île où il y a socialement d’autres priorités…»

La contestation sociale se poursuit en Réunion, et Saint-Paul, notamment, subit ces jours une grève de certains employés de la fonction publique.

La députée-maire jette de l’huile sur le feu

La polémique s’est envenimée, mardi, avec les propos de la député-maire de Saint-Paul, Huguette Bello, laquelle a renvoyé les surfeurs à leurs responsabilités. Ces déclarations ont provoqué une vive friction avec des sportifs (relatée dans le sept/neuf de France Inter, pas en ligne à ce jour). Le journal de la Réunion Clicanoo raconte: «S’adressant aux médias sous les huées de quelques surfeurs, Huguette Bello […] explique que «la commune n’a pas les moyens d’installer des filets», relève que «les moyens de secours municipaux sont dérisoires» […] Chahutée, traitée «d’assassin», la maire de Saint-Paul finit par lâcher «que les anciens Réunionnais interdisaient à leurs enfants de fréquenter les eaux de la baie, Boucan et Roches-Noires à cause du danger». L’accusation d’imprudence fait bondir les riders, qui redoublent d’éclats de voix. «Vous dites n’importe quoi, vous n’y connaissez rien», lui lance un ami de la victime. «C’est mon pays, je connais mon pays, Monsieur», rétorque sèchement Huguette Bello. Des réactions à vif que l’on mettra sur le compte de l’émotion» – sur un point, la controverse va en effet évoluer en accusation de racisme à l’égard des «zoreils», les Français venus de métropole.

Des ondes électriques dissuasives

Les pouvoirs publics de l’île ont pourtant décidé d’ouvrir leur porte-monnaie. Mercredi, à l’issue d’une séance avec des pêcheurs et des membres de la Ligue de surf, la vice-présidente régionale annonçait que la région débloquait 25 000 euros pour l’installation de «Shark Shields» collectifs, indique Linfo. re: ils «seront mis en place sur plusieurs sites de l’Ouest à «risque», certainement aux Roches Noires et à Boucan Canot. Ces dispositifs, déjà utilisés en Afrique du Sud ou en Australie, diffusent des ondes électriques qui éloignent les requins s’approchant des surfeurs, sans pour autant nuire aux autres espèces ou à l’environnement.» La notable a relevé que «le monde économique de la station balnéaire est en réelle difficulté».

Le débat reprend de plus belle. Sur Zinfos974, un lecteur s’emporte: «On n’est pas capable de financer des logements, des actions contre les femmes battues, on n’arrive pas à trouver une solution pour le gel du prix du gasoil. Mais quel miracle, on a trouvé des fonds pour les shark machins chouettes». Réponse économique: «[…] en protégeant les surfeurs qui sont en première ligne, on protège d’autant mieux les simples baigneurs qui sont le gros bataillon des touristes, je le rappelle. Il est donc légitime de dépenser un peu d’argent public pour protéger un paramètre important du seul secteur réellement exportateur de ce pays en ruine!»

«Année noire» pour le surf

A propos de conséquences économiques, Linfo.re raconte que «2011 sera une année noire» pour les écoles de surf: «L’île est reconnue dans le monde entier comme un véritable vivier de champions. Mais, force est de constater, que la multiplication des attaques de requin cette année a porté un coup à l’activité surf réunionnaise.»

Le hasard s’en mêle, puisque du 30 septembre au 9 octobre, la Réunion accueille une épreuve internationale de bodyboard. Zinfos974 relate que «malgré l’actualité, cruelle pour le monde du Surf, les organisateurs se voulaient rassurants, ils disent avoir pris un maximum de précautions pour répondre au risque requin. Deux jets-ski seront en permanence à proximité des compétiteurs», et le site sera cerclé par des Shark Shields. En outre, des plongeurs surveilleront les fonds marins. L’article conclut: «L’événement […] devrait être couvert par la presse internationale spécialisée venue […] d’Australie, d’Afrique du Sud, d’Angleterre, du Portugal et de métropole, un bon coup de projecteur pour la Réunion, si toutefois on ne parle pas que des requins…»

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