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En attendant leur Etat, les Palestiniens de Gaza s'en sortent par la débrouillardise

L'échec de Camp David replonge les Gazaouites dans la dure réalité de leur quotidien. Rencontres à Beach Camp, où les réfugiés de la guerre de 1947-1948 considèrent le retour sur leur terre comme un droit sacré

Après l'échec des pourparlers de Camp David, la population de Gaza, qui a retenu son souffle pendant près de 15 jours, reprend le cours normal du quotidien. Ou presque. Mais elle attendait certainement mieux, comme l'attestent les nombreuses banderoles suspendues dans plusieurs villes de la bande de Gaza. L'une d'entre elles est pour le moins explicite: «Le retour des réfugiés est un droit sacré pour les Palestiniens.» Le ministre palestinien des Postes et Communications, Immad Falouji, est aussi catégorique: «Même si les Etats-Unis ont tenté de contourner la résolution 194 des Nations Unies stipulant le retour des réfugiés, personne n'a le droit de faire des concessions sur cette question. Pourquoi Israël ferme-t-il le pays aux propriétaires de ces terres, mais l'ouvre à la Russie, à l'Europe et au monde entier?» Aux yeux du ministre, cofondateur du Hamas et emprisonné pendant cinq ans dans les geôles israéliennes, la seule manière d'améliorer la situation dans les camps de Gaza réside dans le retour des réfugiés et non dans des mesures temporaires cosmétiques (égouts, canalisations, etc.). «Pas de paix sans une résolution de la question des réfugiés», clame Immad Falouji.

Malgré l'indigence qui règne dans cette bande côtière longue de 50 km et large de 12 km, ils étaient plusieurs milliers à accueillir Yasser Arafat à son retour dans la ville de Gaza, mercredi. Pourtant, à quelques hectomètres de la résidence du leader de l'Autorité palestinienne, le long de la mer, s'étend l'un des huit camps de réfugiés disséminés sur cette petite tranche de terre. Construit à l'issue de la première guerre israélo-arabe en 1948, Beach Camp est un immense amas de pierre et de béton dans lequel 50 000 personnes traînent leur existence. Ghaleb El Khatib, Palestinien de trente ans, y est né. Et y a vécu 27 ans, dans des conditions parfois très précaires.

«Quand les Israéliens ont permis la construction de nouvelles bâtisses en 1994, à El Saftawi non loin de Gaza, quatre de mes frères et moi avons décidé d'acheter cinq maisons au prix global de 50 000 dollars», précise Ghaleb. Et de poursuivre: «Dans mon appartement de quatre pièces, je suis nettement mieux qu'à Beach Camp.» Avec ses six frères, sa famille illustre parfaitement la situation de Gaza à l'heure actuelle. Soumise à une démographie galopante, elle pourrait être menacée d'explosion à l'avenir si l'on songe que d'ici à 2025, sa population pourrait doubler, voire tripler pour passer à quelque trois millions.

Des prix surfaits

Au sein des Gazaouites, Ghaleb n'est pas le plus à plaindre. Enseignant l'arabe dans une école primaire du coin, il touche un salaire de 1400 shekels (350 dollars) par mois. Il souhaite simplement que les Israéliens lui laissent vivre une vie digne de ce nom. Eu égard à Camp David qu'il a en partie suivi, il approuve timidement la position du leader palestinien, Yasser Arafat, mais se demande quelle sera la politique que ce dernier mènera demain.

Ghaleb reste cependant critique à l'égard de l'Autorité palestinienne. Il soupçonne certains de s'enrichir sur le dos des contributions en faveur de réfugiés versées par la communauté internationale.

Sur la plage un peu déserte, où les touristes sont désespérément absents, Talat Abu Kwaik s'est installé au crépuscule pour vendre du thé qu'il prépare. Son visage obscur trahit une existence tourmentée. La cinquantaine, Talat est moins bien loti que Ghaleb. Il croupit toujours à Beach Camp dans un taudis de 50 mètres carrés avec sa femme et ses dix enfants. La hernie discale dont il souffre aujourd'hui, provoquée par la rudesse des travaux de construction qu'il a effectués, notamment en Israël, l'empêche de joindre les deux bouts, car il ne peut presque plus travailler. Et il ne bénéficie d'aucune aide officielle.

Pour subvenir à ses besoins, Talat peut compter sur le soutien d'un de ses frères domicilié en Arabie Saoudite. «Il me verse environ 600 dollars par année. Je peux ainsi payer l'université à deux de mes fils. C'est sans compter la dette de 350 dollars qu'il a envers le Baladih, l'organisme chargé d'encaisser les taxes sur l'eau et l'électricité. A cet égard, bon nombre de Gazaouites se plaignent des prix surfaits pratiqués à Gaza. «Certaines choses sont même plus chères qu'en Europe», s'insurge l'un deux.