«Quand les Israéliens ont permis la construction de nouvelles bâtisses en 1994, à El Saftawi non loin de Gaza, quatre de mes frères et moi avons décidé d'acheter cinq maisons au prix global de 50 000 dollars», précise Ghaleb. Et de poursuivre: «Dans mon appartement de quatre pièces, je suis nettement mieux qu'à Beach Camp.» Avec ses six frères, sa famille illustre parfaitement la situation de Gaza à l'heure actuelle. Soumise à une démographie galopante, elle pourrait être menacée d'explosion à l'avenir si l'on songe que d'ici à 2025, sa population pourrait doubler, voire tripler pour passer à quelque trois millions.
Des prix surfaits
Au sein des Gazaouites, Ghaleb n'est pas le plus à plaindre. Enseignant l'arabe dans une école primaire du coin, il touche un salaire de 1400 shekels (350 dollars) par mois. Il souhaite simplement que les Israéliens lui laissent vivre une vie digne de ce nom. Eu égard à Camp David qu'il a en partie suivi, il approuve timidement la position du leader palestinien, Yasser Arafat, mais se demande quelle sera la politique que ce dernier mènera demain.
Ghaleb reste cependant critique à l'égard de l'Autorité palestinienne. Il soupçonne certains de s'enrichir sur le dos des contributions en faveur de réfugiés versées par la communauté internationale.
Sur la plage un peu déserte, où les touristes sont désespérément absents, Talat Abu Kwaik s'est installé au crépuscule pour vendre du thé qu'il prépare. Son visage obscur trahit une existence tourmentée. La cinquantaine, Talat est moins bien loti que Ghaleb. Il croupit toujours à Beach Camp dans un taudis de 50 mètres carrés avec sa femme et ses dix enfants. La hernie discale dont il souffre aujourd'hui, provoquée par la rudesse des travaux de construction qu'il a effectués, notamment en Israël, l'empêche de joindre les deux bouts, car il ne peut presque plus travailler. Et il ne bénéficie d'aucune aide officielle.
Pour subvenir à ses besoins, Talat peut compter sur le soutien d'un de ses frères domicilié en Arabie Saoudite. «Il me verse environ 600 dollars par année. Je peux ainsi payer l'université à deux de mes fils. C'est sans compter la dette de 350 dollars qu'il a envers le Baladih, l'organisme chargé d'encaisser les taxes sur l'eau et l'électricité. A cet égard, bon nombre de Gazaouites se plaignent des prix surfaits pratiqués à Gaza. «Certaines choses sont même plus chères qu'en Europe», s'insurge l'un deux.