Un jour après l’attentat qui a coûté la vie à au moins trois ­personnes et blessés près de 180 autres lors du marathon de Boston, les questions demeurent. Qui a commis le pire attentat depuis les attaques du 11 septembre 2001? Quel fut le mobile de cet «acte terroriste», comme l’a qualifié mardi le président Barack Obama? A l’heure où nous mettons sous presse, les enquêteurs n’étaient pas en mesure d’iden­tifier l’auteur ou les auteurs des ­explosions provoquées par des ­cocottes-minute de six litres bourrées d’explosifs. Toutes les pistes restaient ouvertes.

Est-ce l’acte d’un extrémiste isolé du type Anders Breivik, qui avait commis un carnage en Norvège? Est-ce une opération d’Al-Qaida ou de ses affiliés? Dans les médias américains, la tentation était grande d’attribuer l’attaque à des islamistes. Pourtant, lundi, les forces de l’ordre ont bien arrêté un jeune étudiant saoudien de 20 ans, mais l’ont relâché peu après, le considérant comme un témoin et non un suspect. Les spécialistes évoquent en revanche une troisième piste, celle d’extrémistes de droite rassemblés au sein de groupes patriotiques.

L’attentat de Boston a eu lieu le jour du «Patriot’s Day», un jour férié commémorant deux guerres d’indépendance en 1776, à Lexington et à Concord. C’était aussi le «Tax Day», le jour où tous les Américains envoient leur déclaration fiscale et paient leurs impôts. Symboliquement, des groupes patriotiques, dont l’Etat est l’ennemi numéro un, auraient pu décider de sévir à une telle date. Des respon­sables de la sécurité relèvent aussi que le 19 avril sera la date anniversaire de l’attentat d’Oklahoma City en 1995, commis par Timothy McVeigh et qui tua 168 personnes. Or, celui-ci intervint à un moment où les mouvements anti-étatistes américains explosèrent, exacerbés par l’interdiction des fusils d’assaut votée en 1994 sous la présidence du démocrate Bill Clinton.

Au début de mars, le Southern Poverty Law Center a publié un rapport sur «l’état de la haine et de l’extrémisme» aux Etats-Unis. Ses conclusions sont préoccupantes. En 2012, l’Amérique comptait 1360 groupes patriotiques, soit une augmentation de 813% depuis l’élection du premier président noir de l’Amérique, Barack Obama, en novembre 2008. Ces mouvements sont persuadés que l’Etat ­fédéral américain est sur le point d’imposer «la loi martiale aux Etats-Unis». Ce sont les premiers à brandir la théorie du complot pour expliquer les décisions de Washington. Le Oath Keepers, un mouvement patriote formé d’ex-militaires, avertit: «Message à ceux qui rompent le serment et aux traîtres: nous ne désarmerons jamais.»

L’arrivée d’un président afro-américain à la Maison-Blanche a relancé les mouvements de patriotes. Plusieurs dossiers actuellement en discussion au Congrès alimentent leur haine envers l’Etat et ses représentants. Mardi, huit sénateurs ont présenté un projet de loi visant à réformer la politique d’immigration. Cette perspective est mal vécue par les milieux patriotiques blancs, qui y voient une validation des changements démographiques en cours. D’ici à 2043, les Blancs ne seront plus, pour la première fois, majoritaires.

La volonté de la Maison-Blanche et d’une partie du Capitole de durcir le contrôle des armes après la tragédie de Newtown en décembre suscite aussi des réactions vives au sein des milieux patriotiques dont le Tea Party est souvent proche. Ceux-ci pensent que le gouvernement n’a qu’un objectif: saisir leurs armes. Après la réélection de Barack Obama le 6 novembre 2012, des centaines de milliers d’Américains ont signé une pétition demandant à leur Etat de faire sécession.

Au début de mars, lors de la ­publication de son rapport, le Southern Poverty Law Center écrivait une lettre aux actuels ministres de la Justice et de la Sécurité intérieure, Eric Holder et Janet Napolitano. Avec l’explosion du nombre de groupes patriotiques anti-étatistes, le centre exhorte l’administration Obama à créer une task force pour répondre au mieux à l’aggravation d’une telle menace (non islamiste). Son avertissement est corroboré par une étude récente publiée par le West Point’s Combating Terrorism Center constatant que les actes de violence perpétrés par des milieux extrémistes de droite entre 2000 et 2011 ont été multipliés par quatre par rapport aux années 1990. Le centre avait déjà averti Washington de la hausse de la menace terroriste interne peu avant l’attentat d’Oklahoma City. Aujourd’hui, la menace reste sérieuse.

Le pays compte 1360 groupes patriotiques, soit une augmentation de 813% depuis l’élection d’Obama