De violents affrontements ont éclaté à Bangkok entre manifestants antigouvernementaux et militaires vendredi, au lendemain de heurts au cours desquels un manifestant a été tué et un général renégat, passé du côté des «chemises rouges», grièvement blessé à la tête par balle. Le bilan des violences s’élève au moins à trois morts et 23 blessés, après l’annonce vendredi midi de deux décès supplémentaires par l’hôpital de la police de la capitale.

Des civils ont été vus en train de fuir la zone en courant, tandis que l’armée progressait en direction d’une avenue occupée par les «chemises rouges», ces manifestants qui réclament la chute du gouvernement. L’armée avant annoncé auparavant qu’elle entendait reprendre par la force cette avenue.

«Il y a environ 2.000 manifestants au bazar de nuit de Suan Lum. Ils ont tenté d’intimider les autorités avec des armes et les responsables de la sécurité ont demandé de les disperser», a indiqué le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole militaire.

L’armée a utilisé des grenades lacrymogènes contre les manifestants et un bus militaire a été incendié, a rapporté un journaliste de l’AFP. Des échanges de coups de feu nourris ont été entendus dans un parc.

La capitale a désormais sombré dans un engrenage de violences, après dix jours au cours desquels les négociations avaient repris le dessus entre le Premier ministre Abhisit Vejjajiva et les leaders «rouges».

Etat de santé très incertain pour le général visé

Des heurts ont fait un mort et au moins onze blessés dans la soirée de jeudi, dont le général renégat pro-rouge, victime d’une attaque par balle pendant qu’il discutait avec des journalistes étrangers.

Khattiya Sawasdipol, alias Seh Daeng, très populaire parmi les «rouges», n’avait pas caché qu’il refusait une sortie de crise pacifique. Il est considéré comme proche de Thaksin Shinawatra, ex-Premier ministre en exil renversé en 2006 par un putsch, et dont se réclament de nombreux manifestants.

«Ses chances de survie sont faibles», a déclaré vendredi le directeur de l’hôpital Vahira, Chaiwan Charoenchokethavee. Les autorités disent vouloir l’interpeller quand son état de santé le permettra. «Ce qui lui est arrivé était totalement inattendu», a cependant assuré le colonel Dithaporn Sasasmit, porte-parole du commandement interne des opérations de sécurité (ISOC), démentant que le pouvoir avait décidé de se débarrasser de lui.

Dans la nuit, l’état d’urgence, décrété à Bangkok début avril, a été étendu à 15 autres provinces du Nord et du Nord-Est, bastion des «rouges».

L’armée contre les chemises rouges

La crise politique s’est brusquement crispée en début de semaine lorsque les «chemises rouges» ont exigé, avant de se disperser, l’inculpation du numéro deux du gouvernement, Suthep Thaugsuban, qu’ils jugent responsable des violences du 10 avril (25 morts, plus de 800 blessés).

Exaspéré de ne pas en finir avec le mouvement dont les leaders avaient pourtant indiqué il y a dix jours accepter son plan de sortie de crise, le chef du gouvernement a annulé les élections anticipées qu’il avait proposées pour novembre.

Peu après, l’armée annonçait qu’elle allait étrangler les «rouges» sur le plan logistique dans l’espoir de réduire au maximum le nombre de manifestants dans la zone.

«Le bouclage total a été mis en place depuis hier soir» (jeudi), a déclaré le porte-parole de l’armée, évoquant notamment la coupure de l’électricité dans le quartier. L’officier avait aussi prévenu que des tireurs embusqués seraient déployés et que les soldats auraient l’autorisation de tirer à balles réelles.

Officiellement, il ne s’agissait pourtant pas d’une dispersion par la force des manifestants, une opération très délicate dans ce quartier protégé par des barricades de bambous, de pneus et de barbelés tranchants, et dans lequel vivent des femmes et des enfants.

La crise, la pire dans le royaume depuis 1992, a déjà fait 30 morts et près de 1.000 blessés depuis la mi-mars.

Les Etats-Unis ont fermé leur ambassade. «Nous somme très préoccupés, nous surveillons très attentivement» la situation, a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Philip Crowley. Peu après, le Royaume-Uni a lui aussi annoncé qu’il fermait sa mission diplomatique.