La flambée de violence de ces derniers jours est-elle exceptionnelle?
En fait, les premiers incidents de ce type en France remontent à 1981, avec les «rodéos organisés dans la banlieue de Lyon. Depuis, c'est un phénomène assez régulier, chronique selon la police, il y a eu 70000 incidents de violence urbaine depuis le début de l'année, et environ 28000 voitures brûlées en dix mois. Le point de départ obligé de tels événements est la mort d'un jeune, dans des circonstances mal éclaircies, souvent après une course-poursuite avec la police. Certains jeunes des cités interprètent ce drame comme le signe que la société veut les faire disparaître physiquement. Cela engendre un phénomène de vengeance, de protestation. La violence se concentre sur la police parce que c'est en quelque sorte leur seul «interlocuteur», le seul contact avec une société qui ne veut pas d'eux.
Les médias jouent-ils un rôle dans la prolongation, l'extension des émeutes?
Certainement. Lorsque ce genre d'incident fait la une des journaux télévisés, on peut penser que le phénomène peut encore durer un certain temps. Pour ces populations, c'est le seul moment où l'on peut faire parler de soi.
«La banlieue nord de Paris cumule tous les désavantages»
L'analyse d'Henri Rey, spécialiste des banlieues et chercheur à Sciences Po.
Le Temps: Les troubles qui durent depuis une semaine se concentrent en Seine-Saint-Denis, au nord de Paris. Pourquoi?
Henri Rey: La Seine-Saint-Denis est le département qui a le plus de jeunes, de chômeurs, de familles monoparentales et d'immigrés. Il cumule tous les désavantages. A l'origine, c'est une banlieue ouvrière, «rouge et communiste. Sa spécialisation sociale a ensuite évolué vers l'accueil de la population la plus pauvre et la plus démunie. C'est un département dans lequel on trouve beaucoup de logement social, de cités où le chômage des jeunes atteint 50% et où l'on survit en partie grâce au trafic, y compris de drogue. Elles sont de plus en plus délaissées à mesure que l'on s'éloigne de Paris. Les offices HLM ont eu tendance à placer loin du centre la partie la plus difficile de la population, celle qui connaît des problèmes de relations avec la police, avec le paiement des loyers, avec le voisinage.