Les républicains du Congrès américain ont rendu publique lundi leur première contre-proposition de réduction du déficit, un plan qui se faisait attendre et qui forcera la Maison Blanche à répliquer, à moins d’un mois de l’échéance à haut risque du «mur budgétaire».

Dans une lettre envoyée au président Barack Obama, les responsables républicains de la Chambre des représentants ont traduit en chiffres, pour la première fois, leur plan de réduction de la dette.

Première différence avec le plan du président: une augmentation des recettes fiscales inférieure de moitié à celles proposées par la Maison Blanche (800 milliards de dollars sur 10 ans, contre 1600 milliards).

Surtout, les républicains réitèrent leur opposition ferme à toute hausse des taux d’imposition des ménages les plus riches, une exigence répétée de Barack Obama et qui promet de devenir la pierre d’achoppement des négociations.

Barack Obama rallie le peuple à son plan budgétaire

A moins d’un mois du «précipice budgétaire», Washington émet des signaux préoccupants. La Maison-Blanche et le Congrès sont encore très loin d’un accord bipartisan permettant d’éviter la conjugaison automatique de hausses d’impôts et de coupes budgétaires drastiques à partir du 1er janvier 2013, dont l’impact à terme pourrait être une récession. Le constat n’est pas surprenant. Les élections de novembre ont permis à Barack Obama d’être investi pour quatre ans supplémentaires à la Maison-Blanche. Fort d’une victoire nette, le président estime disposer d’un «mandat» de l’électorat américain pour redresser les finances. Face à lui, les républicains ont perdu des plumes, mais conservent la majorité de la Chambre des représentants. Ils ne sont pas prêts à abdiquer.

Pour Barack Obama, l’enjeu est peut-être moins les effets immédiats du «précipice budgétaire», qui pourraient être supprimés par une profonde réforme du code fiscal et des programmes sociaux en début d’année prochaine, mais davantage sa capacité future à négocier avec ses adversaires et à mener à bien des réformes qui s’imposent: immigration, éducation, infrastructures.

Timothy Geithner au front

Lors de son premier mandat, le président noir avait essayé d’introduire des éléments susceptibles de rallier les républicains, lorsqu’il s’était agi du plan de relance de l’économie ou de la réforme de la santé. Désormais, affranchi de sa «naïveté bipartisane», il a appris. Aujourd’hui, il ne lâche rien. Son secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, chargé de mener la négociation, incarne ce ton nouveau. Présent sur cinq chaînes de télévision lors de talk-shows du dimanche, il a répété le mantra de l’administration démocrate: «Il n’y a simplement aucune raison d’augmenter les impôts de 98% des Américains, parce que des membres du Congrès, du côté républicain, veulent bloquer toute hausse du taux d’imposition pour les 2% d’Américains les plus riches.»

Quelques jours plus tôt, Timothy Geithner présentait officiellement l’offre de la Maison-Blanche: 1600 milliards de dollars de nouveaux revenus fiscaux grâce à ces augmentations d’impôts, 50 milliards de dépenses pour stimuler l’économie et 612 milliards de coupes dans le budget. L’offre de la Maison-Blanche est maximaliste, mais elle sert de base de négociation. Les républicains ont déjà répliqué: «Je n’ai jamais vu une chose pareille», a déclaré le président de la Chambre des représentants et principal négociateur républicain, John Boehner.

La technique de Barack Obama a beaucoup évolué depuis le cuisant échec des négociations entre les républicains du Congrès et le président démocrate à propos du rehaussement du plafond de la dette en été 2011 qui a presque valu à l’Amérique le défaut de paiement. Conscient des contingences du Congrès, il cherche des soutiens ailleurs. Il utilise enfin le pouvoir de persuasion dont Franklin D. Roosevelt avait fait un usage remarquable. Il a ainsi invité des syndicalistes à la Maison-Blanche, puis une dizaine de chefs de grandes entreprises. L’un d’eux, Lloyd Blankfein, président du groupe Goldman Sachs, a comparé ainsi la contribution que peut apporter l’économie privée pour sauver le pays du «précipice budgétaire» à l’engagement des entreprises américaines durant la Seconde Guerre mondiale.

Jours cruciaux

Dans le même temps, près de 80 patrons d’entreprise ont signé une lettre en octobre demandant à Washington de réduire le déficit (7% du PIB en 2012) et la dette (16 200 milliards) par des coupes dans les dépenses et par des hausses d’impôts. Cette semaine, Barack Obama va rencontrer les gouverneurs de plusieurs Etats et s’adresser à la Business Roundtable, un lobby représentant les grandes sociétés afin de les inciter à faire pression sur le Congrès. La Maison-Blanche recourt aussi intensément à Twitter pour véhiculer le message à travers son hashtag «My2K», soit les 2000 dollars de plus que la classe moyenne devra payer en impôts si aucun accord n’est trouvé d’ici au 31 décembre.

Pour John Podesta, ancien chef de cabinet de Bill Clinton, ce qui se joue ces jours est crucial: «Les quatre prochaines semaines pourraient déterminer les quatre ans à venir.» En incluant la population et l’économie américaines dans le débat, Barack Obama entend faire monter les enchères. Si aucun accord n’est trouvé, les sondages laissent entendre que les républicains en paieraient le prix fort. Pour le président, les allégements fiscaux pour la classe moyenne (moins de 250 000 dollars de revenu) peuvent être décidés maintenant. Quant aux coupes dans Medicare et Medicaid, les assurances maladie étatiques pour les plus âgés et les plus pauvres, il faudra s’y atteler en profondeur dès le début 2013.