Barack Obama a pris sa décision vendredi après-midi, lors d’une promenade dans les jardins de la Maison-Blanche avec son chef de cabinet, Denis McDonough, ont reconstitué ses conseillers. Ebranlé par le vote de la Chambre des communes jeudi soir, refusant d’engager la Grande-Bretagne aux côtés des Etats-Unis, et les mises en garde de toutes parts contre cette intervention coûteuse, risquée et aux conséquences imprévisibles, Barack Obama a proposé de renvoyer la question aux parlementaires, qui demandaient justement à être consultés et pourraient ainsi partager le chapeau de l’opération.
Barack Obama a appelé son homologue français François Hollande samedi avant d’annoncer sa décision, mais le fait que la France se soit tenue prête à intervenir aux côtés des Etats-Unis n’a pas pesé bien lourd à Washington. Barack Obama n’a même pas mentionné le soutien français dans son allocution solennelle samedi. La veille, le secrétaire d’Etat John Kerry n’avait fait qu’une brève allusion à «notre plus vieil allié, les Français», qui a suffi à déclencher les railleries aux Etats-Unis sur le retour de Lafayette à la rescousse des Américains. Interrogé dimanche par CNN sur le nombre très réduit d’alliés prêts à s’engager en Syrie, John Kerry a assuré que «plusieurs nations ont décidé d’aider», citant la Ligue arabe, le Japon ou la Nouvelle-Zélande et omettant même la France… Tous ceux qui pensaient que la France avait redoré son blason aux Etats-Unis depuis son intervention au Mali, ou du fait qu’elle avait eu raison sur l’Irak, ont pris au cours du week-end une belle claque.
«J’imagine qu’Obama a un plan, se rassurait dimanche un diplomate à Washington. S’il laisse Kerry faire tout seul, il y a un risque qu’il ne lui rapporte que le vote au Sénat. Mais si le président mouille vraiment sa chemise il pourrait aussi l’emporter à la Chambre.» Même s’il perdait le vote au Congrès, Barack Obama pourrait aussi procéder aux frappes, a rappelé la Maison-Blanche. «Mais il aurait alors aussi une bonne excuse pour ne pas le faire», poursuit le même diplomate.
Beaucoup dépendra au Congrès américain des signaux que donneront Israël et ses puissants relais à Washington: Barack Obama et John Kerry ont commencé à plaider que l’intervention demandée est essentielle à la sécurité d’Israël (et des autres «alliés» américains dans la région, comme la Jordanie ou la Turquie), mais l’Etat hébreu a aussi de bonnes raisons de redouter ces frappes et peut peser dans un sens ou dans l’autre.
En attendant, les élus listent les milliers de bonnes raisons qu’ils auraient de dire non au chef de la Maison-Blanche. «Je doute qu’il sache lui-même ce qu’il veut faire», a expliqué le républicain Tim Griffin au New York Times, estimant que le président a «vraiment mal géré» toute la crise syrienne. «Il faut des preuves irréfutables qu’il y ait là une menace imminente», plaide le sénateur Joe Manchin, côté démocrate, qui ne voit pas ce critère encore rempli. Bombarder le régime syrien signifiera «entrer en guerre aux côtés d’Al-Qaida» et lui ouvrir les portes de Damas, dramatisent les plus sceptiques. Des frappes «limitées», telles qu’envisagées par Barack Obama, ne suffiront pas, rétorquent au contraire les plus va-t-en-guerre comme John McCain et Lindsey Graham…
L’opinion publique américaine est aussi très divisée, montre le dernier sondage réalisé par NBC sur cette question: 50% des Américains y estiment que les Etats-Unis n’ont pas à intervenir militairement en réponse aux attaques chimiques du gouvernement syrien, mais 42% défendent l’intervention. Un Américain sur deux approuve aussi une action limitée à des tirs de missiles de croisière contre les unités syriennes responsables des attaques chimiques. Et 79% souhaitaient que Barack Obama demande l’accord préalable du Congrès. En attendant de voir ce que donnera son pari, le président américain peut faire valoir qu’il a bien écouté son peuple.
Même s’il perdait le vote au Congrès, le président pourrait aussi procéder aux frappes