L'art de la guerre repose largement sur celui de la communication. Cela n'a pas échappé aux talibans, épinglés dans un rapport de l'ONG belge International Crisis Group (ICG) publié fin juillet: «Ils ont parfaitement réussi à se faire passer pour plus nombreux, plus forts et mieux équipés qu'ils ne le sont en réalité sur le champ de bataille, où toute vérification indépendante est presque impossible.» Usant de leurs réseaux politiques, sociaux, économiques et militaires, les «étudiants en théologie» laissent croire aux décideurs afghans que toute offensive à leur encontre serait trop coûteuse par rapport aux bénéfices escomptés. Et battent la campagne pour s'assurer du soutien des paysans des vallées, jusqu'au Pakistan.

Désireux de pouvoir atteindre un public varié et étendu, les talibans disposent de porte-parole maîtrisant l'anglais, l'arabe, le pachtoune, le dari ou bien encore l'ourdou. Tous les supports sont utilisés; tracts, chants et poèmes folkloriques, DVD, cassettes audio, magazines, sites internet... En mai 2008, les provinces du sud-est du pays ont été abreuvées de papillons mettant en garde les locaux travaillant avec les forces internationales et le gouvernement. Morceaux choisis: «Les gens des tribus ne doivent pas penser que les Américains sont plus forts qu'Allah ni juger les moudjahidin, sinon ils le regretteront très vite», «Ne vous approchez pas des troupes infidèles, jamais ni en aucun lieu», ou encore «Les mollahs qui organisent des funérailles pour les soldats ou les policiers tués durant notre campagne seront torturés à mort».

La guérilla se présente toujours comme «l'Emirat islamique d'Afghanistan» et aime à désigner ses combattants comme des moudjahidin, en référence à la longue lutte menée autrefois contre les Soviétiques. Des cassettes contenant les témoignages des prisonniers de Guantanamo sont échangées sous le manteau, des vidéos montrent les raids de la coalition ou des scènes de malentendus culturels. Des brochures avancent que le pays regorge de pierres précieuses et autres ressources, pillées par les étrangers, que si les islamistes prenaient le pouvoir - et les mines - l'Etat deviendrait l'un des plus riches de la planète.

Contacts avec les médias

Selon le rapport d'ICG, les architectes de la propagande sont les mêmes qui officiaient lorsque les talibans étaient au pouvoir à Kaboul: notamment Amir Khan Muttaqi et Qudratullah Jamal, ex-ministres de la culture et de l'information, ceux à qui il revint de justifier aux yeux du monde la destruction des Bouddhas de Bamiyan... L'équation n'est pas simple: ils doivent faire parler d'eux sans toutefois livrer d'éléments facilitant la capture des guérilleros. «Ils sont en contact régulier avec les journalistes, par mail, SMS et téléphone, souligne l'étude. Les porte-parole répondent aux demandes des médias 24 heures sur 24.» Le mollah Omar, chef des talibans en fuite depuis le renversement du régime en octobre 2001, lui, se fait rarement entendre.

A lire sur http://www.crisisgroup.org: «Taliban propaganda: winning the war of words».