Belgrade lance la chasse aux «espions» étrangers
Yougoslavie • L'armée fédérale a interpellé cette semaine huit Occidentaux sur le territoire du Monténégro, près de la frontière du Kosovo. Ils sont accusés d'espionnage ou de complot
L'armée yougoslave a lancé la chasse aux «espions» étrangers. Lundi, quatre citoyens néerlandais ont été interpellés sur le territoire du Monténégro, aux abords de la frontière avec le Kosovo. Selon le ministre fédéral yougoslave de l'Information, Goran Matic, les quatre hommes auraient avoué être venus en Yougoslavie dans le but d'assassiner ou d'enlever le président Slobodan Milosevic, afin de le livrer au Tribunal pénal international de La Haye. Mardi soir, deux Britanniques, qui seraient des instructeurs militaires travaillant au sein de la mission de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au Kosovo, et deux employés canadiens d'organisations humanitaires étaient à leur tour arrêtés dans la même région. Les quatre hommes ont été interpellés dans le massif montagneux du Cakor, qui sépare le Monténégro du Kosovo.
Zone d'exclusion de 5 kilomètres
Depuis le petit bourg de Murino, la police monténégrine, fidèle au président réformateur Milo Djukanovic, contrôle les accès au Cakor, mais l'armée yougoslave a établi un barrage à quelques centaines de mètres seulement du col qui marque la frontière, à près de 2000 mètres d'altitude. Selon les habitants de la région, ce barrage est situé à l'intérieur du territoire monténégrin, en violation de la résolution 1244 des Nations unies qui fixe à l'armée yougoslave une zone d'exclusion de 5 kilomètres à l'extérieur des frontières du Kosovo.
Les deux Canadiens et les deux Britanniques sont accusés d'espionnage, alors que l'OSCE prétend qu'ils étaient partis passer quelques jours de vacances au Monténégro. L'armée yougoslave affirme même qu'ils seraient venus entraîner la police monténégrine. Vraie ou fausse, l'accusation de l'armée met directement en cause les autorités monténégrines. Depuis plus d'un an, cette petite république ne demande plus de visa pour les voyageurs étrangers et tente d'ouvrir largement ses frontières. Immédiatement après l'interpellation des «espions» canado-britanniques, le quotidien Dan, lié à l'opposition proserbe au Monténégro, dénonçait le régime spécifique des visas en vigueur au Monténégro, en supposant que la police laissait délibérément pénétrer des «ennemis extérieurs».
Les arrestations à répétition de supposés «espions» interviennent alors que les incidents se multiplient entre l'armée fédérale, fidèle à Belgrade, et la police monténégrine, acquise au président réformateur Milo Djukanovic. Le 22 juillet, l'armée a arraisonné une vedette de la police qui patrouillait sur le lac de Shköder et, dans un communiqué publié le 29 juillet, le commandement de la flotte de guerre a dénié à la police «le droit de se charger du contrôle de certaines frontières de la République fédérale».
Le climat politique est plus tendu que jamais entre le Monténégro et le pouvoir fédéral de Belgrade. Mercredi, les dirigeants monténégrins ont confirmé leur décision de boycotter les élections fédérales prévues pour le 24 septembre. Selon un dirigeant monténégrin, cette vague d'arrestations signifie que «la campagne électorale de Slobodan Milosevic a déjà commencé». Le président fédéral yougoslave entend en effet se présenter comme le défenseur d'un pays victime d'un «complot international». La multiplication des incidents au Monténégro fait aussi craindre que le maître de Belgrade ne veuille précipiter un affrontement sanglant dans cette petite république rebelle.