Les Allemands se sont d’abord réjouis de savoir qu’ils allaient enfin avoir un ambassadeur américain à Berlin, et que cet ambassadeur serait un diplomate professionnel et non un riche soutien de la campagne du président. Depuis que Donald Trump s’était empressé de désavouer le très apprécié John B. Emerson, nommé par Barack Obama, au début de son mandat, de nombreux mois avaient passé sans que la nouvelle administration semble pressée de lui trouver un successeur.

Mais les Allemands ont vite déchanté. Richard Grenell, 51 ans, diplômé de Harvard et ancien porte-parole de l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU à l’époque de George Bush, est en poste depuis un mois. Inconditionnel soutien de Donald Trump, qui apprécierait avant tout sa combativité et son agressivité, il semble avoir pour mission principale de «représenter Trump à Berlin», analyse Dana Bash, correspondante de CNN dans la capitale allemande.

Multiples provocations

Mardi, les partis de gauche – des Verts au SPD en passant par les néo-communistes de Die Linke – ont demandé le renvoi du nouvel ambassadeur, accusé d’interférer dans les affaires intérieures et d’aggraver des relations bilatérales déjà très tendues. En début de semaine, le Ministère des affaires étrangères avait demandé «une clarification» à Richard Grenell à la suite d’une nouvelle provocation.

De fait, depuis sa difficile nomination (le Congrès a tenté pendant deux mois de bloquer son envoi en République fédérale), Grenell multiplie les provocations. Twitteur aussi ardent que son chef, il a d’abord mis en garde les sociétés allemandes qui pourraient être tentées de rester en Iran. Le week-end dernier, il assurait dans une interview au canal américain d’extrême droite Breitbart vouloir «soutenir» la droite dure en Europe, avant de louer le chancelier autrichien Sebastian Kurz – «c’est une rock star. Je suis un grand fan» – qu’il dit avoir invité à son ambassade la semaine prochaine.

Ce que fait cet homme est unique dans la diplomatie internationale. Il se comporte comme un officier colonial d’extrême droite

Le social-démocrate Martin Schulz

Lundi, il avait profité de l’escale de Benyamin Netanyahou à Berlin pour s’entretenir avec lui en privé à l’aéroport. «Grenell se comporte en vice-chancelier allemand» en organisant des rencontres avec des dirigeants étrangers de passage à Berlin, dénoncent ses détracteurs. «Ce que fait cet homme est unique dans la diplomatie internationale. Il se comporte comme un officier colonial d’extrême droite», s’étouffe le social-démocrate Martin Schulz, le rival malchanceux d’Angela Merkel aux élections.

Peu de politiciens allemands ont l’heur de lui plaire. Seuls Jens Spahn et Christian Lindner sont cités en modèles. Le premier – qui lui a accordé une visite privée du Bundestag – est ministre de la Santé et principal opposant à la chancelière au sein de leur parti chrétien-démocrate. Le second, président du Parti libéral, appelle de ses vœux la fin de l’ère Merkel.