FRANCE
La Cour d’appel de Paris était saisie mardi du litige vieux de vingt ans entre l’homme d’affaires français et l’ex-Crédit Lyonnais dans l’affaire du rachat d’Adidas

Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, le duel à un milliard d’euros
France Mardi, ses avocats ont réclamé 1,2 milliard d’euros en réparation du préjudice subi dans la revente d’Adidas à la banque, en 1993
Absent mardi à l’audience, Bernard Tapie sera sûrement là en fin d’année pour la décision des juges, mise en délibéré. Le spectacle, néanmoins, méritait hier le déplacement à la Cour d’appel de Paris, tant son nouvel avocat, Emmanuel Gaillard, a mené une charge assurée d’être «héroïque» si les magistrats français devaient lui donner raison.
Alors que cette même juridiction a annulé en février le fameux arbitrage de 2008 qui avait accordé 400 millions d’euros à l’homme d’affaires pour solde de tout compte dans l’affaire Adidas, celui-ci est reparti hier à l’assaut de l’ex-Crédit Lyonnais – devenu LCL. Il réclame désormais 1,174 milliard d’euros pour le préjudice subi il y a vingt-deux ans, en 1993 – estimé au plus haut à 295 millions d’euros – dont 50 millions pour préjudice moral.
Le but de cette offensive de la dernière chance? «Obtenir réparation, dans les termes les plus fermes, de l’injure faite à Bernard Tapie et à son patrimoine, et l’intensité des attaques», a tonné son avocat.
Théâtre de boulevard
La méthode? Une surenchère digne de la tradition française du théâtre de boulevard. Avec, dans le rôle du héros, l’insubmersible «Nanard» plus que jamais calé dans son rôle de victime expiatoire d’une nomenklatura française qui, clame-t-il depuis des lustres, a toujours voulu l’exclure.
Enterrées, les années 1990, lorsque Tapie rimait avec mise en faillite d’entreprises et émissions de télévision clinquantes sur la réussite. A 72 ans, celui que François Mitterrand nomma ministre de la Ville (1992-1993) sait que son duel avec le «Lyonnais» est une lutte à mort. L’arbitrage de 2008, rendu sous la présidence de Nicolas Sarkozy avec lequel il n’a jamais caché sa proximité, ressemblait à un adoubement in extremis. Le fait que Christine Lagarde, avocate d’affaires de renom – à l’époque ministre des Finances et aujourd’hui patronne du FMI – ait accepté ce colossal dédommagement, valait réhabilitation. Mais tout s’est fracassé. L’arbitrage a été annulé. Christine Lagarde, pour laquelle la justice a requis le non-lieu le 22 septembre, suffoque à l’évocation de son nom. Reste donc une seule issue pour Bernard Tapie: s’en prendre encore au Lyonnais qui réalisa une plus-value considérable après l’avoir forcé à lui vendre Adidas. Un Lyonnais aux mains des «génies malhonnêtes de la finance». Les défenseurs de la banque, eux, ont dressé le portrait d’un homme financièrement aux abois en 1993 et d’un tricheur envoyé en prison pour corruption, comme propriétaire de l’Olympique de Marseille. A peu de chose près, ils auraient pu reprendre, en la détournant un peu, la phrase que Tapie prononça lui-même en mars 1995, à l’issue de son procès perdu: «Nous avons menti, mais nous étions de bonne foi.»