Sorti en tête avec neuf points d’avance du premier tour des primaires de la gauche le 25 novembre dernier, le secrétaire du Parti démocrate italien (PD), Pierluigi Bersani, avait lâché qu’il serait «une dinde» s’il venait à perdre le duel final contre le jeune et bouillant maire de Florence, Matteo Renzi. Dimanche, à l’occasion du second tour, il ne s’est pas fait déplumer. Le favori, soutenu notamment par la quasi-totalité des parlementaires et la grande majorité des cadres du PD, a ainsi remporté la bataille pour la candidature de la gauche aux prochaines élections législatives avec un peu plus de 60% des suffrages des 2,7 millions de votants. Entre les deux tours, Pierluigi Bersani, 61 ans, avait reçu le désistement plus ou moins direct des trois autres candidats éliminés au premier tour.
«J’ai perdu», a reconnu sans détour Matteo Renzi, 37 ans, qui a pris rendez-vous pour l’avenir en expliquant à ses supporters: «Nous avons l’enthousiasme et nous avons le temps.» Tout en se déclarant disposé à aider Pierluigi Bersani dans la course pour la présidence du Conseil, le jeune challenger ne s’est toutefois pas privé dimanche soir de souligner que les primaires avaient mis en évidence deux conceptions distinctes du PD, l’une – la sienne – réformatrice, l’autre socialiste.
Pierluigi Bersani va ainsi devoir tenir compte de cette réalité plurielle. D’autant que si les sondages continuent de placer le PD largement en tête (autour de 35%), en raison notamment de l’effondrement de la droite berlusconienne, la gauche aurait obtenu dix points de plus en cas de candidature Renzi. En réponse, dimanche soir, Pierluigi Bersani a promis «un renouvellement générationnel» de son équipe, alors que son adversaire avait bâti une partie de son succès du premier tour en demandant «d’envoyer à la casse» la vieille classe dirigeante.
Programme pragmatique
Mais le secrétaire du PD n’a pas détaillé quel sera son positionnement, notamment en matière de politique économique lors des législatives qui devraient se tenir au début du printemps 2013. D’un côté, le patron du PD a assuré qu’il présentera un programme pragmatique, «sans raconter de blagues» aux électeurs, confirmant ainsi sa volonté de poursuivre la politique d’assainissement des comptes publics entreprise par le gouvernement de techniciens de Mario Monti.
Mais, de l’autre, l’ex-communiste Pierluigi Bersani a réaffirmé son engagement à gauche et sa volonté d’adopter des réformes sociales. «Sans un certain parfum de gauche, je ne reconnaîtrais pas mon odorat», a-t-il déclaré dimanche en évoquant notamment son entente avec le chef de la gauche radicale et candidat malheureux aux primaires, Nichi Vendola. Ce dernier continue de marteler qu’il faut en finir avec les politiques d’austérité de Mario Monti et revoir notamment les réformes du travail et des retraites adoptées par le «Professore». La gauche radicale souhaite notamment la tenue d’un référendum sur la réforme du droit de licenciement, ce que rejette une partie du PD, en particulier les partisans de Matteo Renzi.
Face à ces divergences au sein de son camp, Pierluigi Bersani risque de devoir faire le grand écart. Il compte néanmoins sur sa bonhomie, sa compétence reconnue d’ex-ministre de l’Industrie chargé des libéralisations et son aptitude au compromis pour dégager une solution. «La victoire de dimanche est une étape, mais la ligne d’arrivée est encore lointaine», a toutefois mis en garde le quotidien Il Corriere della Sera. Une manière de rappeler qu’en 1994, face au vide politique à droite, la gauche italienne semblait déjà aux portes du pouvoir. Avant que Silvio Berlusconi ne descende à l’improviste en politique et, au nom de la peur des communistes, ne vienne l’emporter.